1881. Tous droits réservés.
par JULES MOINEAUX, rédacteur de la Gazette des Tribunaux.
PARIS, CHEVALIER-MARESCQ ÉDITEUR, 20 rue SOUFFLOT, 20.
8517. - Paris. Imprimerie de Ch. Noblet, 13 rue Cujas. - 1881
Texte établi par Paul FIÈVRE, novembre 2021
Publié par Paul FIEVRE, décembre 2021
© Théâtre classique - Version du texte du 30/11/2022 à 23:05:25.
PERSONNAGES.
LE NARRATEUR.
LE PRÉSIDENT.
GARREAU, témoin.
Extrait de MOINAUX, Jules, "Les tribunaux comiques", Paris, Chevalier-Marescq éditeur, 1881. pp 1-4
UNE PARENTÉ ENTORTILLÉE
LE NARRATEUR.
Si la famille Blancheton avait un notaire, ce qui est bien improbable, cet officier ministériel aurait quelques difficultés le jour où il lui faudrait régler des intérêts de parenté ; le diable tabellion, lui-même, ne pourrait pas se retrouver dans l'imbroglio né d'une double union, et serait obligé de dire au membre de la famille qui s'adresserait à lui : « Numéroté tes parents pour que je les reconnaisse.»
C'est ainsi qu'il est difficile de démêler si, dans l'espèce, il y a vol comme le veut la loi. Écoutons, du reste, le témoin Garreau :
LE TÉMOIN.
Figurez-vous, messieurs, dit-il, que ces gens-là, c'est la plus drôle de famille... Vous allez voir, il y a de quoi rire. Le père Blancheton était veuf et avait un fils de vingt-deux ans ; c'était un vieux rigolo qui avait fait une vie de polichinelle, et qui noçait encore pas mal, et qui, ne fichait jamais un sou à son fils. Alors voilà qu'il se trouve une veuve qui avait de quoi, et sa fille ; dont le père Blancheton dit à son fils : « Veux-tu nous marier ? Il y a une veuve et sa demoiselle ; ça se peut. » Le fils Blancheton répond qu'il veut bien, et demande à son père de le présenter promptement à la demoiselle. Pour lors, le père Blancheton lui dit : « Ah ! non, c'est pas toi qui épouses la demoiselle, c'est moi ; toi, t'épouses la mère. »
Ça défrisait un peu le fils Blancheton ; mais comme la mère avait le sac, il dit : « Je veux bien. » C'est bon, les deux mariages se font ; si bien que v'là le père Blancheton qui se trouve devenu le gendre de son fils, qui était, par conséquent, le beau-père de son propre père, vu que le père avait épousé censé la belle-fille de son fils, dont la fille devenait la belle-mère de sa mère...
Rires dans l'auditoire.
MONSIEUR LE PRÉSIDENT.
Tous ces détails sont inutiles.
LE TÉMOIN.
C'est pour vous dire le galimatias ; sans compter - que la vieille qui avait un mari jeune, faisait tout ce qu'il voulait, et que, pour lors, le fils Blancheton, à son tour, ne fichait plus un sou à son père qui était son gendre, et que ça faisait du chabanais dans la famille.
MONSIEUR LE PRÉSIDENT.
Mais arrivez donc au vol.
LE TÉMOIN.
Voilà ! C'était pour vous expliquer ; pour lors, les deux ménages ont chacun un enfant, le père Blancheton une fille, et le fils un garçon, qui se trouve être le beau-frère de son grand-père, de même que la petite fille était...
Rires dans l'auditoire.
MONSIEUR LE PRÉSIDENT.
Si vous n'arrivez pas au fait, je vais vous retirer la parole.
LE TÉMOIN.
J'y suis ; c'était pour que vous compreniez ; finalement qu'ils ont tous fini par se brouiller comme les menuisiers avec les noeuds de sapin, et qu'un beau jour le fils Blancheton a pincé à sa belle-mère qui était sa belle-fille, puisqu'il avait épousé la mère, et qui était devenue veuve par suite de la mort du père Blancheton, il lui a pincé les effets du défunt, vu qu'il dit qu'il est héritier de son père, et que la veuve dit que non, vu que le défunt était également le gendre de son fils, et que, par conséquent, il ne devait pas hériter ; c'est donc de là qu'elle l'a accusé comme l'ayant volée : v'là l'affaire claire comme le jour et très simple.
Le tribunal a jugé que dans ces circonstances la prévention n'était pas établie, et il a acquitté Blancheton fils. C'est ainsi que tous les degrés et tous les noms de parenté peuvent être bouleversés par des alliances à l'instar de la famille Blancheton.
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