OH ! MAMAN !

MONOLOGUE POUR ENFANTS

PRIX : 30 CENTIMES

1896

PAR LEMERCIER DE NEUVILLE

PARIS, LIBRAIRIE THÉÂTRALE, 14, rue de Grammont, 14.

13129. Dijon-Paris, Imprimerie Régionale. - Dr : J. CHAVALIER.


Texte établi par Paul FIEVRE, avrim 2023

© Théâtre classique - Version du texte du 30/06/2024 à 10:55:42.


PERSONNAGE

L'ENFANT.

Ce monologue est extrait du volume "Les Enfants au salon" du même auteur.


OH ! MAMAN !

Ah ! Bien non ! Ce n'est pas amusant d'être petite fille. Il faut être trop sage ! J'aimerais bien mieux être petit garçon ! On court, on va, on vient, on fait le diable et personne ne vous dit rien. Nous autres petites filles, au contraire, on nous fait asseoir, on nous accompagne partout, on a toujours peur que nous nous cassions ! Hier encore, j'ai été grondée 1 C'est qu'aussi maman n'est pas raisonnable ! - Il faisait un temps superbe ! J'étais allée dans le jardin, et Dieu sait si je m'en donnais ! Je m'en donnais tellement que je ne m'aperçus pas que le temps s'était couvert et qu'il tombait des gouttes de pluie... Au milieu de mes courses, j'entendis tout à coup la voix de ma mère qui m'appelait : « Allons ! Joséphine, rentre, mon enfant, il va pleuvoir ! -

Vivement.

Oh ! Maman ! Je t'assure que non ! - Mais si ! mais si ! Tu vas être toute mouillée ! -

Avec prière.

Oh ! Maman ! C'est que je m'amuse si bien ! - Allons, voyons, Joséphine, veux-tu m'obéir ? Rentre ! Je le veux ! -

Tristement.

Oh ! maman ! » - Il a fallu rentrer et ne pas répliquer ! Parce que maman est sévère ! Tout le monde lui dit qu'elle nous élève très bien, alors... elle en abuse ! - Moi, je n'étais pas contente ! Je me suis mise à bouder. - C'est une habitude que j'ai ; quand on ne fait pas ce que je veux, je boude ! Ça me réussit quelquefois !... Mais avec maman, jamais ! - Je boudais donc ; ça m'ennuyait, parce que pendant ce temps-là je ne jouais pas, mais ça ne fait rien, je boudais ! Je m'étais réfugiée debout dans un coin, tournant le dos à ma mère. Je faisais une vilaine grimace... comme ça

Elle avance la lèvre inférieure.

... et je roulais mon tablier dans mes doigts, comme ça

Elle roule un coin de son tablier.

... puis de temps en temps, je tapais du pied, en signe d'impatience.

Elle frappe du pied.

Maman n'avait pas l'air de faire attention à moi ! Ça m'agaçait ! Cette situation ne pouvait pas durer ! Je me sentais ridicule ! Et puis, malgré moi, je me sentais disposée à la révolte !... Parce que... Ah ! il faut bien l'avouer, j'ai un mauvais caractère ! C'est mon père qui a trouvé ça ! Il a dit à ma mère : cette petite fille a un mauvais caractère, il faut la mater ! - J'étais toujours debout dans un coin, ça me paraissait long : j'avais envie de pleurer, mais je me retins... Enfin ma mère se décida à parler : - Joséphine ! Viens près de moi, mon enfant ! - Non, je ne veux pas ! - À peine eus-je dit ces vilains mots, que je m'en repentis ! Mais c'était parti malgré moi ! - Ma mère ne me passe rien ! - C'est bien ! me dit-elle puisque tu aimes ce coin-là, tu y resteras toute la journée !

Avec reproche.

Oh ! Maman ! - Et on t'y apportera ton dîner : du pain sec !

Avec indignation.

- Oh ! Maman ! - Et tu te coucheras tout de suite après !

Avec colère.

Oh ! Maman ! - Voilà comment j'ai été traitée ! Oui, je suis restée toute la journée debout dans un coin, j'ai mangé mon pain sec et je me suis couchée à sept heures ! Ça, ça m'a fait plaisir parce que j'étais très fatiguée, je n'en pouvais plus ! Je me suis endormie tout de suite et je n'ai fait qu'un somme jusqu'au matin. - Quand je me suis réveillée, je ne me souvenais plus de rien. L'orage de la veille était passé, le soleil luisait à travers mes rideaux blancs, et j'entendais les oiseaux qui babillaient. Je me disais : Si j'étais petit oiseau, je ne resterais pas comme cela si près des maisons, j'irais dans les champs, dans les bois dans le haut des arbres, où il doit se trouver de bien jolies choses : des mousses vertes, des feuilles tendres, des nids, de jolis petits nids avec des oeufs ! Puis je pensais : Comme ça doit être agréable de voler ! Tout à coup j'entendis un coup de fusil suivi d'un grand froissement d'ailes et de petits cris désespérés. C'était mon père qui venait de tuer un moineau, et la pensée me vint que si j'avais été oiseau, j'aurais pu recevoir du plomb. Mon enthousiasme pour les promenades en l'air se calma aussitôt. Le bruit d'une clef dans ma serrure changea soudain le cours de mes idées, ma porte s'ouvrit et ma mère entra. Je me rappelai immédiatement tout ce qui s'était passé la veille, et ne sachant pas dans quelles dispositions était ma mère, je fis semblant de dormir ! - Écoutez ! Je veux être franche ! Si ma mère avait été encore sévère, je me connais, j'aurais encore boudé ; mais heureusement elle ne le fut pas, elle fut même trop bonne ! - Elle s'approcha doucement de mon lit et m'embrassa ! - J'entr'ouvris les yeux et je vis sa belle figure souriante qui me regardait avec amour. - Eh bien ! Méchante enfant, me dit-elle, sais-tu que tu m'as fait beaucoup de peine, hier ? -

Avec confusion.

Oh ! Maman ! - Je n'en ai pas pu dîner! -

Avec plus de confusion.

Oh ! Maman ! - J'ai eu l'idée de venir te trouver, mais ton père n'a pas voulu, et ça m'a fait bien du chagrin. -

Avec sentiment.

Oh ! Maman ! - C'est que je t'aime bien, je veux que tu sois un jour une belle fille, bien savante, bien élevée, et que tu nous fasses honneur ! -

Avec des larmes.

Oh ! Maman ! Maman ! Allons ! Ne pleure pas, mon enfant, tout est oublié ! Tu ne le feras plus ! Dis ? -

Avec reconnaissance.

Oh ! Maman ! - Alors, je me suis levée on embrassant ma mère, et, vraiment peinée d'avoir été si mauvaise, je me suis bien promis de ne l'être plus. - Et pourtant, tout à l'heure encore j'étais de mauvaise humeur parce que, comme le temps est incertain, la promenade que nous avions projetée n'aura pas lieu ! Mais je vais faire attention à moi ! C'est que je l'aime bien, malgré tout, ma bonne mère, et je ne veux pas lui faire du chagrin ! Si elle allait ne plus m'aimer ! - Oh ! Non 1 Je veux qu'elle m'aime toujours ! - N'est-ce pas que tu m'aimeras toujours ? -

Avec tendresse.

Oh ! Maman ! Ma bonne maman !

 



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