M. DCC. LXXIX. Avec Approbation et Permission.
publié par Paul FIEVRE septembre 2016
© Théâtre classique - Version du texte du 30/11/2022 à 23:17:59.
PERSONNAGES.
HÉRO, prêtresse de Vénus. Madame de Pompadour.
LÉANDRE, amant d'Héro. Monsieur le vicomte de Rohan.
NEPTUNE. Monsieur_le_Marquis de la Salle.
PRÊTRESSES DE VÉNUS.
HABITANTS DE L'ÎLE DE SESTOS.
MATELOTS.
DIVINITÉS DE LA MER.
PERSONNAGES DANSANTS.
MONSIEUR LE MARQUIS DE COURTANVAUX.
MONSIEUR LE COMTE DE LANGERON.
MONSIEUR LE COMTE DE MELFORT.
HABITANTS DE L'ÎLE DE SESTOS.
MATELOTS.
DIVINITÉS DE LA MER.
Le théâtre représente d'un côté l'île de Sestos, de l'autre le Temple de Vénus, on voit la mer dans l'enfoncement. La scène se passe la nuit.
SCÈNE PREMIÈRE.
Léandre, Héro.
LÉANDRE.
Le flambeau de l'Amour dans cette nuit obscure
Éclaire et guide notre coeur ;
Tout dort, et pour nous seuls dans toute la nature,
L'Amour fait veiller le bonheur.
5 | Aimable Héro, j'ai su vous plaire ! |
Est-il pour un mortel un bien plus précieux ?
HÉRO.
Dans la nature entière
ESt est-il un qui le mérite mieux ?
Ô toi de nos secrets seule dépositaire?
10 | Nuit dont le voile officieux, |
Pour servir à la fois les mortels et les Dieux,
Égale celui du mystère!
LÉANDRE.
Tu sais de nos parents les complots odieux.
HÉRO.
Tu sais que divisés, par dés haines cruelles...
ENSEMBLE.
15 | Leurs coeurs ne sont d'accord que pour briser nos noeuds ? |
Tu nous fais oublier nos craintes mutuelles
Par des moments délicieux !
HÉRO.
Léandre !...
LÉANDRE.
Héro !...
ENSEMBLE.
Tous deux sont dignes de te plaire
En prolongeant, pour eux ta course tutélaire
20 | Diffère leurs tristes adieux ! |
LÉANDRE.
Songe que si Vénus la choisit pour prêtresse,
Cette faveur enchanteresse
Fut réservée au coeur qui sut aimer le mieux !...
HÉRO, à Léandre.
Vos feux seuls me rendaient digne de la Déesse ;
25 | Je devins par son choix digne de vous charmer. |
LÉANDRE.
Un coeur si tendre et si fidèle
Doit aux amants les plus parfaits
Servir en tout temps de modèle.
L'Amour vous réservait pour chanter ses bienfaits,
30 | Quand il unit a tant d'attraits |
Un coeur si tendre et si fidèle.
HÉRO.
Quel amant comme vous, pour me prouver sa foi,
Braverait chaque jour et les vents et l'orage ?
LÉANDRE.
Tout mortel aimé comme moi.
35 | Quand pour voler vers vous je quitte le rivage, |
Un moment me suffit ; plus léger que les vents,
Je traverse les flots... la mer m'ouvre un passage.
Il est une force, un courage
Que l'Amour seul donne aux amants.
40 | Que le trajet est difficile, |
Quand il faut m'arracher, des lieux où je vous vois !
Eh! de tous les écueils, le plus cruel pour moi,
C'est le port où je vais retrouver mon asile.
ENSEMBLE.
Pourquoi vous opposer sans cesse à nos amours,
45 | Trop cruels auteurs de nos jours ? |
Ne jouissez-vous pas d'une gloire plus pure
Quand notre bonheur vous assure
Des droits que vous avez sur nous,
Et quand par votre accord l'Amour et la Nature
50 | Sur nos coeurs vous les donnent tous ? |
On voit l'aurore qui commence à paraître.
LÉANDRE.
Mais, ô ciel ! Quel supplice extrême !
L'impatiente Aurore annonce nos malheurs.
LÉANDRE.
Elle nous apprend par ses pleurs
Ce qu'il doit en coûter à quitter ce qu'on aime.
ENSEMBLE.
55 | Il faut nous séparer quel moment pour nos coeurs ! |
HÉRO.
Adieu, tourne vers moi tes jeux baignés de larmes !
J'aime à les voir couler.. dans ces moments d'effroi,
Mon coeur, tendre et cruel sent je ne sais quels charmes
À te voir aussi triste que moi.
LÉANDRE.
60 | Accompagne mes pas pour calmer mes alarmes ! |
HÉRO.
Hélas ! Je te verrai partir.
LÉANDRE.
Tes yeux vont me guider.
Il se jette à la mer.
HÉRO.
Ne les prends pas pour guides !
Ils te ramèneraient aux lieux que tu dois fuir.
65 | Léandre ?... ô Ciel ! Les flots rapides |
Te dérobent à mes voeux.
SCÈNE II
HÉRO, seul.
Te verrai-je sans cesse abandonner la rive ?
Ne pourrai-je jamais te Suivre que des yeux ?
Tout mon bonheur, ainsi qu'une ombre fugitive,
70 | S'attache à son objet et le suit en tous lieux. |
On entend les concerts des oiseaux à leur réveil.
Quel est le sort de deux oiseaux heureux,
Qu'un même amour engage l'un à l'autre !
Un même ormeau sert d'asile à tous deux :
Ah ! Que leur sort est différent du nôtre !
75 | Si l'absence a coûté des soupirs |
À l'un de ces amants fidèles,
En un instant le secours de ses ailes
Le rejoint à ses plaisirs.
CHOEUR DE PRÊTRESSES DE VÉNUS.
Vous que lAmour tient dans ses chaînes ?
80 | Venez tous l'implorer aux premiers feux du jour ! |
HÉRO, avec douleurs
On va forcer mon coeur occupé de ses peines
À chanter les plaisirs que fait goûter l'Amour !...
SCÈNE III.
LES Précédents, Les Habitants de l'île de Sestos, qui arrivent en dansant.
LE CHOEUR.
Les oiseaux
Ont éveillé les échos ;
85 | Sortons de nos bocages ! |
Comme eux,
Sous nos ombrages
À l'Amour offrons nos voeux !
Tous nos coeurs
90 | Enivrés de ses faveurs, |
En ces lieux, comme à Cythère,
Chaque jour,
Chantent Vénus et l'Amour.
Si notre encens,
95 | Si nos accents |
Sont dignes de te plaire,
Tendre Amour!
Les Dieux
Dans leur séjour
100 | Sont moins heureux. |
On danse.
HÉRO.
Quand dans ce charmant séjour
L'Aurore nous éclaire,
Nos coeurs, pour plaire a l'Amour,
Viennent chanter sa mère.
105 | Dans nos feux que de rigueur |
Souvent il fait paraître !
Il est le dieu du bonheur,
Doit-il se faire méconnaître !
On danse.
La fête est interrompu par une tempête.
SCÈNE IV.
Les précédents, Choeur de matelots.
CHOEUR DE MATELOTS, sur la mer.
Nous périssons...
CHOEUR D'HABITANTS de l'île de Sestos.
Ciel ! Ô Ciel ! Quel orage !
Ils sortent.
CHOEUR DE MATELOTS.
110 | La foudre éclate dans les airs ! |
Tous les vents déchaînent leur rage !
Ils ouvrent sur notre passage
Les vastes abîmes des mers !
SCÈNE V.
Héro, Léandre.
LÉANDRE, qu'on ne voit point.
Je vais périr.
HÉRO.
Qu'entends-je ! C'est Léandre !...
115 | Ô Vénus ! ô mère de l'Amour ! |
Souffriras-tu que l'onde où tu reçus le jour
Soit le tombeau de l'amant le plus tendre ?
LÉANDRE, sur un rocher où l'a jeté la tempête.
Ma chère Héro !...
HÉRO.
Le Ciel te rend-il à mes feux ?
LÉANDRE.
Préparons-nous, plutôt à nos derniers adieux !
HÉRO.
120 | La mort d'un même coup va frapper deux victimes. |
LÉANDRE.
Entends gronder les vents vois ces flots furieux
Tout prêts à m'engloutir dans leurs vastes abîmes !
HÉRO.
Ah ! Je frémis...
LÉANDRE.
Héro ! Je péris à tes yeux.
Les flots l'engloutissent.
SCÈNE VI.
HÉRO.
Il périt... Ah ! Guide par l'ardeur la plus pure.
125 | Mon coeur est entraîné vers l'objet de ses feux ; |
La mort favorable à mes voeux,
Malgré l'Amour, les Dieux et la Nature,
Dans le même tombeau va nous unir tous deux.
Elle se précipite dans la mer.
SCÈNE VII.
NEPTUNE, sur les flots.
Que les vents déchaînés rentrent dans l'esclavage !
130 | Et vous ? Tendres amants, dont j'ai sauvé les jours ? |
Venez vous réjouir au gré de vos amours !
Que mes flots jusqu'à moi vous ouvrent un passage !
Le théâtre change, et représente le palais de Neptune, où Léandre paraît conduit par des tritons, et Héro, conduite par des Néréïdes, tandis que les divinités de la mer chantent pour les recevoir, le choeur qui suit.
SCÈNE VIII.
Héro, Léandre, Neptune, Choeur de divinités de la mer.
CHOEUR DE DIVINITÉS DE LA MER.
Triomphez, amants heureux !
Recevez de vos feux la juste récompense !
135 | Pour couronner votre constance, |
L'Amour vous appelle en ces lieux.
LÉANDRE ET HÉRO.
Je revois enfin ce que j'aime ;
J'en crois à peine et mon coeur et mes yeux.
À Neptune.
Dieux puissants ! Vos soins généreux.
140 | Nous mènent au bonheur, mieux que l'amour lui-même. |
NEPTUNE.
Que ces mortels, admis au rang des Dieux
Cessent d'être soumis à la Parque cruelle !
Ainsi, que sur la terre, ils doivent en ces lieux
Du plus fidèle amour nous offrir le modèle.
145 | Formez une chaine éternelle, |
Tendres amants ! Une épreuve cruelle
N'a point affaibli vos amours.
Quand on sent tout le prix d'une ardeur mutuelle,
Qu'il est doux de songer qu'on doit s'aimer toujours !
NEPTUNE.
150 | Formez une chaîne éternelle ! |
LÉANDRE ET HÉRO.
Formons une chaîne éternelle !
LÉANDRE, à Neptune.
Si désormais, admis au rang des immortels,
De notre premier sort nous gardons la mémoire,
C'est pour vous devoir des autels.
155 | Plus les Dieux élèvent les mortels, |
Plus ils font éclater leur puissance et leur gloire.
HÉRO.
ARIETTE.
Triomphe Amour ! Nos coeurs sont unis pour jamais.
Règne sur tout ce qui respire !
Tu n'as d'objet dans ton empire
160 | Que le bonheur de tes sujets. |
LÉANDRE.
Pour oublier les plus cruelles peines,
S'il ne faut aux amants qu'un seul moment heureux,
Que nous allons goûter de plaisirs dans nos chaînes !
Nous sommes immortels tous deux.
ENSEMBLE.
165 | Triomphe, Amour, etc. |
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