LA TRÉSORIÈRE

TRAGÉDIE

M. D. LXI.

AVEC PRIVILÈGE

PAR JACQUES GRÉVIN DE CLERMONT EN BEAUVAISIS.

À PARIS, Pour Vincent Sertenas, demeurant en la rue Notre-Dame, à l'enseigne Saint-Jean-l'Evangéliste, et en sa boutique au Palais, en la galerie par où on va à la Chancellerie. ET Pour Guillaume Barbé rue Saint-Jean de Beauvais, devant le Béllérophon.

Représentée pour la première fois en 6 février 1658 au Collège de Beauvais.


Texte établi par Paul FIEVRE, novembre 2020

Publié par Paul FIEVRE, décembre 2020

© Théâtre classique - Version du texte du 30/06/2024 à 10:55:52.


AU LECTEUR

La liberté des poètes comiques a toujours été telle, que souventes fois ils ont usé de mots assez grossiers, de sentences et manières de parler rejetées de la boutique des mieux disants, ou de ceux qui pensent mieux dire : ce que par aventure l'on pourra trouver lisant mes Comédies. Mais pourtant il ne se faut renfrogner, car il n'est pas ici question de farder la langue d'un mercadant, d'un serviteur ou d'une chambrière, et moins orner le langage du vulgaire, lequel a plutôt dit un mot que pensé. Seulement le Comique se propose de représenter la vérité et naïveté de sa langue, comme les moeurs, les conditions et les états de ceux qu'il met en jeu : sans toutefois faire tort à sa pureté, laquelle est plutôt entre le vulgaire (je dis si l'on change quelques mots qui ressentent leur terroir) qu'entre ces courtisans, qui pensent avoir fait un beau coup, quand ils ont arraché la peau de quelque mot Latin, pour déguiser le Français, qui n'a aucune grâce (disent-ils), s'il ne donne à songer aux femmes, comme s'ils prenaient plaisir de n'être point entendus. Tu ne trouveras donc étrange, Lecteur, si en ces Comédies tu ne trouves un langage recherché curieusement, et enrichi des plumes d'autrui : car je ne suis point de ceux qui font parler un cuisinier des choses célestes et descriptions des temps et des saisons, ou bien une simple chambrière française des amours de Jupiter avec Léda, et des vaillantises d'Alexandre le Grand. Je me contente seulement de donner aux Français la Comédie en telle pureté qu'anciennement l'ont baillée Aristophane aux Grecs, Plaute et Térence aux Romains. Ce que je me suis proposé toujours en écrivant ce poème, ainsi qu'ont pu apercevoir ceux qui ont vu la Maubertine première Comédie que je mis en jeu, et que j'avais bien délibéré te donner, si elle ne m'eût été dérobée. Toutefois celles-ci pourront suffire pour montrez le chemin à ceux qui viendront après nous. Tu peux donc, maintenant, ami Lecteur, averti de ce point, te mettre à lire ce poème ; et si tu trouves quelque chose qui ne soit à ton goût, souvienne toi que ce n'est chose étrange, si ceux qui vont les premiers en un désert et pays inconnu se fourvoient souventes fois de leur chemin.


ENTREPARLEURS

LOYS, gentilhomme.

RICHARD, serviteur.

LE TRÉSORIER.

MARIE, fille de la Trésorière.

LE PROTONOTAIRE.

BONIFACE, serviteur.

CONSTANTE, trésorière.

SULPICE, marchand.

THOMAS, serviteur.


AVANT-JEU

CETTE COMÉDIE FUT FAITE PAR LE COMMANDEMENT DU ROI HENRI II POUR SERVIR AUX NOCES DE MADAME CLAUDE DUCHESSE DE LORRAINE, MAIS POUR QUELQUES EMPÊCHEMENTS DIFFÉRÉE : ET DEPUIS MISE EN JEU À PARIS AU COLLÈGE DE BEAUVAIS, APRÈS LA SATIRE QU'ON APPELLE COMMUNÉMENT LES VEAUX, LE V FÉVRIER, M. D. LVIII.

LE PROLOGUE

Non, ce n'est pas de nous qu'il faut,

Pour accomplir cet échafaud,

Attendre les farces prisées

Qu'on a toujours moralisées :

5   Car ce n'est notre intention

De mêler la religion

Dans le sujet des choses feintes.

Aussi jamais les lettres Saintes

Ne furent données de Dieu,

10   Pour en faire après quelque jeu.

Et puis tout' ces farces badines

Me semblent être trop indignes

Pour être mises au devant

Des yeux d'un homme plus savant.

15   Celui donc qui voudra complaire

Tant seulement au populaire,

Celui choisira les erreurs

Des plus ignorants bateleurs :

Il introduira la Nature,

20   Le Genre-humain, l'Agriculture,

Un Tout, un Rien, et un Chacun,

Le Faux-parler, le Bruit-commun,

Et telles choses qu'ignorance

Jadis mêla parmi la France.

25   Que pourrons-nous donc inventer

Afin de chacun contenter ?

Quoi ? Le badinage inutile

Par qui quelquefois Martin-Ville

Se fit écouter de son temps ?

30   Quoi ? Demandez vous ces romans

Jouez d'une aussi sotte grâce

Que sotte est cette populace

De qui tous seuls ils sont prisés,

Vous êtes bien mieux avisés,

35   Comme je crois : votre présence

Mérite avoir la jouissance

D'un discours qui soit mieux limé.

Aussi avons-nous estimé

Que la gentille poésie

40   Veut une matière choisie,

Digne d'être mise aux écrits

De ceux qui ont meilleurs esprits

Et non pour être ainsi souillée,

Ou en mille parts détaillée

45   Par ceux qui encore ne l'ont pas

Saluée du premier pas :

Et qui pensent malgré Minerve

La retenir ainsi que serve,

Ou dans l'escale la lier

50   Ainsi qu'un petit écolier.

Non, non, ce n'est pas sa nature

Qu'elle s'en voise à l'aventure   [ 1 Voiser : Se divertir, s'amuser.]

Vers celui qui la veut avoir.

Il faut premièrement savoir

55   Petit-à-petit sa pensée :

Car elle ne veut être forcée,

Ni traitée, comme souvent

Nous l'avons vue auparavant

Au joug d'une plume marâtre.   [ 2 Marâtre : Mauvaise mère. Ce n'est pas une mère, c'est une marâtre. Ici, sens figuré et adjectivé.]

60   N'attendez donc en ce Théâtre

Ne farce, ne moralité :   [ 3 Ne : ancienne forme de ni.]

Mais seulement l'antiquité,

Qui d'une face plus hardie

Se représente en Comédie :

65   Car onc je ne pourrai penser,

Qu'aucun se voulût courroucer

Encontre nous, si pour mieux faire

Nous voulons aux doctes complaire.

Or sachez qu'en tout ce discours,

70   Nous représentons les amours

Et la finesse coutumière

D'une gentille trésorière,

Dont le métier est découvert

Non loin de la place Maubert.

75   Vrai est que le Protonotaire,   [ 4 Proronotaire : Officier de Cour de Rome qui a un degré de prééminence fur les autres Notaires. [F]]

Principal de toute cette affaire

Est de notre université.

Mais j'ai un peu trop arrêté,

Il vaut mieux avec le silence

80   Vous en donner la jouissance.

ACTE I

SCÈNE I.
Loys, Richard.

LOYS.

Et bien Richard, quelle nouvelle

Apportes-tu de ma cruelle ?

Veut-elle doncque être toujours

Ainsi peureuse en ses amours ?

RICHARD.

85   Monsieur, je crois que la pauvrette

Sans aucun repos vous souhaite

Entre ses bras ; voulez-vous mieux ?

LOYS.

Je pense, moi, que tous les Dieux

Prennent plaisir en mon martyre :

90   Incessamment mon mal empire,

Sans toutefois avoir cet heur   [ 5 Heur : rencontre avantageuse. (...) [F] [antonyme de malheur]]

D'apaiser mon amour vainqueur.

RICHARD.

Non non, Monsieur, j'ai espérance

Que vous en aurez jouissance

95   En peu de temps. Laissez moi faire,

C'est mon office, dont j'espère

En faire si bien mon devoir.

LOYS.

Oui, mais toujours le vain espoir

Trompe ma trop grande constance

100   Au milieu de mon impuissance.

RICHARD.

Vraiment une telle beauté

A bien un amant mérité :

Et d'autant qu'êtes languissant,

D'autant quand serez jouissant

105   Le plaisir sera désirable.

LOYS.

Mais toujours pauvre misérable

Le jour je me mourrai cent fois

Pour son amour, et toutefois

Déjà je prévois que l'issue

110   Sera de quelque maigre vue.

Cela ne vient point que ma race

Ne fut digne d'avoir la grâce

D'une dame de plus haut lieu :

C'est, c'est bien plutôt quelque dieu

115   Qui me cachait dedans son sein

L'impuissance de mon dessein.

RICHARD.

Monsieur, je me tiendrais heureux

De mourir étant amoureux

D'une si parfaite beauté.

LOYS.

120   Richard, Richard, la cruauté

De cet archerot qui me dompte   [ 6 Archerot : Petit archer, nom donné à Cupidon. [L]]

Selon son fier désir, surmonte

L'extrême douleur de la mort.

RICHARD.

Nous sommes en cela d'accord :

125   Mais à cette longue espérance

Opposez votre jouissance.

LOYS.

Encore, Richard, je t'assure

Que tout le malheur que j'endure

N'est rien, si tu peux faire tant

130   Qu'en la parfin je sois content.   [ 7 Parfin : fin.]

RICHARD.

Ce n'est pas moi qu'il faut prier :

Il ne tient qu'à ce trésorier.

LOYS.

Le mari est-il averti ?

RICHARD.

Non, non, mais il n'est pas parti

135   Ainsi qu'elle pensait.

LOYS.

  Comment ?

RICHARD.

Pour s'en aller faire un paiement

En Languedoc. Lui délogé,

Votre malheur sera changé

En un perdurable plaisir :   [ 8 Perdurable : Qui doit durer jusqu'à la fin. [L]]

140   Car alors vous aurez loisir

De recouvrer le temps perdu.

Si avez longtemps attendu,

Reprenez hardiment courage.

LOYS.

Ha, Richard, pourquoi d'avantage

145   As-tu celé mon doux repos ?

RICHARD.

Il ne venait pas à propos :

Encore votre joie augmente

De plus en plus par cette attente.

Et si je m'en rapporte à vous,

150   Si vous ne trouvez pas plus doux

Le plaisir, par le tardement,   [ 9 Tardement : Action de tarder. [L]]

Que n'eussiez au commencement.

LOYS.

Vraiment, Richard, pour ton devoir

Tu mérites de recevoir

155   D'un plus grand seigneur le loyer.

RICHARD.

Monsieur, il ne faut qu'employer

Richard, quand il est question

De conduire une faction ;

Ainsi le serviteur doit faire,

160   Pour à son bon maître complaire,

Le devoir, comme il appartient,

Jusques à la mort, s'il convient

L'endurer pour l'amour de lui.

LOYS.

Mais dis, Richard, est-ce aujourd'hui

165   Que notre trésorier se part ?

RICHARD.

Penseriez-vous bien que Richard

Vous le dit s'il n'était ainsi ?

Vie, mettez-moi tout souci

Sous le pied.

LOYS.

Mais ce Trésorier

170   Me doit encore mon quartier :

Il faut que tu sois diligent

De recouvrer tout cet argent

Avant qu'il parte : et qui plus est,

Je lui paierai son intérêt,

175   S'il veut faire du rigoureux :

Car à ces braves glorieux

Il faut quitter une moitié

Pour avoir l'autre

RICHARD.

L'amitié

Vaut bien cela, c'est pour l'usage

180   De son ennuyeux cocuage.

LOYS.

Va-t'en vers lui, voilà quittance :

Que s'il veut faire quelque avance,

Promets lui le vin hardiment.

RICHARD.

Je m'y en vais.

LOYS.

Pareillement,

185   Fais les recommandations

De mes journelles passions

À ma damoiselle et maîtresse :

Que si de ma longue détresse

Elle a quelque compassion,

190   Qu'elle me donne assignation

Pour par un doux contentement

Mettre la fin à mon tourment.

RICHARD, seul.

Mon maître a bien ce qu'il lui faut,

Encore qu'il ait le coeur haut ;

195   Et qu'il ne veuille être dompté,

Si est-ce qu'il est surmonté

Par une femme aussi commune

Que les divers cours de la Lune.

Elle peut tant envers mon maître,

200   Que par babil elle l'a fait être

Un parangon de pauvreté :

Et sous l'ombre d'une beauté

Qu'elle vend plus cher qu'au marché,

Elle lui a jà arraché

205   Les biens, l'honneur et les amis :

C'est une mer, où il a mis

Mille trésors qu'elle dévore,

Sans les regorger : et encore

Qu'il lui donne tant qu'il voudra,

210   De rien plus il n'en adviendra

À mon maître qu'elle déçoit,

Ni à elle qui le reçoit.

Et cependant, mille langueurs,

Et dix mille amoureux vainqueurs

215   Tourmentant son coeur attisé,

Je pensais qu'il fut plus rusé,

Vu qu'il a tant hanté les armes,

Les courtisans et les gendarmes :

Mais les plus fins y sont trompés,

220   Et les plus légers attrapés,

Tant seulement sous l'apparence

D'une légère jouissance.

Encore si pour sa beauté

Elle valait le décrotté,

225   Je dirais : mais quoi ? Seulement

La façon de l'habillement

Vaut autant que la bague entière.

Et bien, c'est une trésorière,

Laquelle par son doux parler

230   Sait bien un homme emmieler.

Mais par ma foi j'estime autant

Ma Marion, et suis content

Encore plus de mes amours

Que non pas lui de son velours,

235   Sans qu'il me la faille prier.

Mais n'est-ce pas mon trésorier

Que je vois venir droit à moi ?

SCÈNE II.
Le Trésorier, Richard.

LE TRÉSORIER.

Puisque c'est l'affaire du Roi

Je ne diffère m'absenter,

240   Afin d'un chacun contenter :

Le gain récompense le mal.

Qu'on fasse seller mon cheval.

RICHARD.

Tant mieux il est prêt de partir ;

La dame pourra départir

245   La jouissance de son corps,

Puisque Monsieur s'en va dehors.

LE TRÉSORIER.

Encore ai-je quelque douleur   [ 10 Vers, 247. Encore est graphié Encor'.]

De laisser ma femme en sa fleur :

Car, las ! Cette tendre jeunesse

250   Ne pourra porter la détresse

De mon absence : et puis ces gens

Qui sont soigneux et diligents

À tromper une créature,

Qui sera simple de nature ;

255   Vrai, que je tiens tant de ma femme,

Qu'avant me faire un cas infâme

Plutôt endurerait la mort.

RICHARD.

Hélas, jamais ne lui fit tort,

Elle est de bonne parenté.

LE TRÉSORIER.

260   Pensez qu'un homme est tourmenté,

Depuis qu'il lui convient souvent

Aller à la pluie et au vent.

Délaissant avec le ménage

La femme en la fleur de son âge.

RICHARD.

265   Le coeur lui faut, la conscience

Lui fait connaître son offense.

LE TRÉSORIER.

Il ne m'est rien plus agréable

Qu'avec ma femme désirable

Jouir du bien que Dieu me donne.

270   Mais quoi ? La pratique en est bonne :

Car je pourrai, si je suis sage,

Pratiquer en ce mien voyage

Trois mille francs en peu de jours.

RICHARD.

Cependant comment les amours

275   Se demerront, la damoiselle

Ne sera du tout si rebelle

Qu'auparavant : car le loisir

Lui fera mille fois choisir

Le bon moyen, l'heure et le temps

280   Pour rendre ses amis contents,

Tant le courtisan que son page.

Mais il faut faire mon message,

Craignant qu'en quelque coin de rue

Je ne le perde de la vue :

285   Puis je pourrais venir trop tard.

Dieu gard' monsieur.

LE TRÉSORIER, apercevant Richard.

Et bien Richard,

Comment va du seigneur Loys ?

RICHARD.

Il a toujours dix mille ennuis

Qui le tourmentent, pour autant

290   Qu'il n'a pas son argent content,

Et si ne voit qui en apporte.

Et qui pis est, jamais sa porte

N'est sans un marchand ennuyeux,

Qui se présentant à ses yeux

295   Le menace pour son argent

De lui envoyer un sergent.

LE TRÉSORIER.

Richard, par Dieu c'est comme moi,

Car maintenant je ne reçois

À peine rien de mon office.

300   Encore pour faire service

À quelques uns, toujours j'avance,

Et si ma foi, la récompense

Que j'en reçois, n'est comme rien.

RICHARD.

Vertubieu : je vous entends bien,

305   Le paiement n'est encore prêt,

Nous demandons un intérêt,

Voilà comment vous êtes doux.

Je suis venu par devers vous

Pour entendre tant seulement

310   Si mon maître aura le paiement

De son quartier que lui devez.

LE TRÉSORIER.

Vous êtes fort mal arrivés,

Vous venez après la bataille

Je ne sache pas une maille.

RICHARD.

315   Comment, monsieur ? Et cependant

Mon maître sera attendant

Votre retour ?

LE TRÉSORIER.

Il le faut bien.

RICHARD.

Mais, Monsieur, pensez-vous combien

Ce lui est chose insupportable

320   D'être si longtemps redevable

À un tas de gens importuns ?

LE TRÉSORIER.

Vraiment Richard, je sais aucuns

Qui m'ont voulu donner le quart

De leur paiement.

RICHARD.

Ma foi, Richard,

325   N'a point telle commission :

Pour donner une portion

De l'argent, il le fera bien.

LE TRÉSORIER.

C'est bien parlé : viens ça, combien

Veut-il donner pour l'intérêt,

330   S'il trouve son argent tout prêt ?

Quant est de moi, je ne l'ai pas :

Mais il n'y a que quatre pas

Jusqu'au logis d'un mien ami.

RICHARD, à part.

Le Trésorier n'est endormi,

335   Se voyant en main la fortune;

De pouvoir gagner la pécune.  [ 11 Pécune : Terme vieilli et familier. Argent comptant. [L]]

LE TRÉSORIER.

Que dis-tu Richard ?

RICHARD, haut.

Je songeais,

En comptant ci-dessus mes doigts,

Combien il voudrait bien donner.

LE TRÉSORIER.

340   Je ne pourrai plus séjourner.

RICHARD.

De trois cents livres vingt écus.

LE TRÉSORIER.

Ha vraiment il mérite plus.

Voudrait-il bien en donner trente ?

RICHARD.

Pour vingt et cinq, qu'il se contente :

345   Je vous ferai récompenser,

Si voulez encor avancer.

LE TRÉSORIER.

Je le veux à même profit :

Aussi je voudrai qu'il me fit

Quittance des paiements entiers

350   Qu'il recevra des deux quartiers.

RICHARD.

Vous les aurez.

LE TRÉSORIER.

Mais il ne faut

Aussi m'en faire aucun défaut.

Car je veux partir dans une heure :

Pourquoi soyez en mon demeure

355   Incontinent.

RICHARD, seul.

  C'est bien assez.

Jamais ils ne seront lassés

De prendre argent de toutes parts :

Il n'est pas des pauvres soudards   [ 12 Soudard : Terme familier. Homme qui a longtemps servi à la guerre et qui en a les habitudes ; il se prend en mauvaise part, soit par moquerie, soit pour exprimer la grossièreté ou la barbarie. [L]]

Desquels ces braves trésoriers

360   N'attirent tous jours les deniers :

Mais au besoin il se faut taire.

Il sort.

SCÈNE III.
Marie, Richard.

MARIE.

Dieu, Monsieur le Protonotaire

Est négligent en ses amours.

J'ai vu le temps que tous les jours ;

365   Il passait devant la maison

Cinquante fois, mais la saison

Comme je crois lui est venue,

Qu'il ne va plus parmi la rue :

Pensez qu'il est devenu sage.

RICHARD, à part.

370   Si je joue mon personnage,

Je saurai d'elle tout' l'affaire

De ce jeune Protonotaire.

MARIE.

Nous fuyons toujours notre bien,

Jamais, jamais à un bon chien

375   Ne tombera quelque bon os :

Après qu'ils ont tourné le dos,

Ils font les meilleures risées

De celles qu'ils ont abusées.

RICHARD.

Les plus rusés y sont donc pris.

MARIE.

380   Quant ils ont l'amour entrepris

De quelque dame, à Dieu comment

S'ils en ont eu contentement.

RICHARD.

Autant ailleurs c'est ma devise.

MARIE.

Voilà mademoiselle éprise

385   De l'amour d'un jeune écolier,

Qui n'a le sou pour employer,

Et veut être aimé à crédit.

RICHARD, à part.

Ne l'avais-je donc pas bien dit ?

MARIE.

Le seigneur Loys cependant

390   Est à son amour prétendant,

Sans toutefois avoir cet heur

D'apaiser sa trop grande ardeur,

Si n'est de quelque vaine course;

Lui qui a plus d'écus en bourse

395   Que l'autre n'a pas de deniers.

Mais voilà comment les derniers

Seront toujours favorisés,

Et les plus fermes déprisés.

RICHARD.

J'entends le noeud de la matière,

400   Il se faut garder du derrière;

MARIE, apercevant Richard.

Voici Richard le serviteur

Du seigneur Loys ; j'ai grand peur

Qu'il n'ait entendu ce qu'ai dit;

Au pis, j'en ferai contredit.

405   Mon Dieu, Richard, venez avant.

RICHARD.

Que faites-vous ici devant ?

MARIE.

Rien, sinon que ma damoiselle

Veut parler à vous.

RICHARD.

Que veut-elle ?

MARIE.

Quant à moi, je ne le sais pas,

410   Elle est jà descendue en bas.

ACTE II

SCÈNE I.
Le Protonotaire, Boxiface.

LE PROTONOTAIRE.

Hé, Boniface, mon ami,

Je suis déjà mort à demi,

Tant ce petit Dieu me tourmente.

Ha, ma trop cruelle Constante !

415   La grand' constance de ton sort,

Seule me causera la mort.

BONIFACE.

Comment cela, Monsieur ? Vous ai-je

Si longtemps servi au collège

Pour maintenant vous défier

420   De votre serviteur, premier

Qui en a mis les fers au feu ?

LE PROTONOTAIRE.

Hélas, Boniface ! pour Dieu

Si jamais la fidélité

De ton devoir m'a incité

425   À récompenser ton service,

Comme je dois, de mon office,

C'est ores qu'il te faut prévoir

Au mal instant du désespoir,

Et montrer ton invention.

BONIFACE.

430   Je sais bien qu'il n'est question

Que d'argent, dont avez défaut :

Car le temps est venu qu'il faut

Toujours avoir argent en banque,

Qui veut que la dame ne manque.

LE PROTONOTAIRE.

435   Il est vrai : car tout mon tourment

Vient de cela, tant seulement,

Tu sais que nous n'avons la croix

Encore qu'il y ait trois mois

Avant que recevoir argent.

BONIFACE.

440   Vous êtes par trop diligent

A faire la magnificence,

Depuis qu'avez la jouissance

De quarante ou cinquante écus.

LE PROTONOTAIRE.

Boniface, je ne suis plus

445   Enfant comme je soulais être.

BONIFACE.

Il faut que vous soyez le maître

Dorénavant des passions

De vos journelles actions.   [ 13 Journelle : de journée, quotidienne.]

LE PROTONOTAIRE.

Je le serai. Mais penses-tu

450   Combien est grande sa vertu,

Et combien sa perfection

Peut dompter mon affection ?

BONIFACE.

Nous voyons cela tous les jours :

Ce sont vos premières amours.

LE PROTONOTAIRE.

455   Ce n'est point cela, Boniface :

Tant seulement sa bonne grâce,

Son doux parler et son maintien,

Sans rien flatter méritent bien

L'amour d'un bien plus grand seigneur.

BONIFACE.

460   Voilà, vous y avez le coeur :

Non pas vraiment que je déprise,

Disant cela, votre entreprise :

Mais il ne faut être si chaud

En ses affaires.

LE PROTONOTAIRE.

Son coeur haut

465   Mérite un plus parfait service.

BONIFACE.

Mais si l'argent du bénéfice

Ne suffit à telle dépense ?

LE PROTONOTAIRE.

Il faut aimer en espérance ;

Il nous viendra quelque hasard.

BONIFACE.

470   Oui bien, mais possible trop tard ;

Il faut prévoir à son affaire.

LE PROTONOTAIRE.

Encore le bien de mon père

Ne manquera point.

BONIFACE.

Il ne pense

Que nous fassions si grand dépense.

LE PROTONOTAIRE.

475   Ha, je veux être entretenu

Honnêtement du revenu

Qui m'appartient.

BONIFACE.

C'est la raison :

Car vous êtes d'une maison

Qui le mérite : mais aussi

480   Il faut avoir des siens souci.

LE PROTONOTAIRE.

Or, Boniface, il n'est pas heure

De faire plus longue demeure,

Nous avons métier d'autre chose.

BONIFACE.

Je l'entends.

LE PROTONOTAIRE.

Dont je me repose

485   Du tout sur toi.

BONIFACE.

  Je ferai tant

Que nous aurons argent comptant.

LE PROTONOTAIRE.

J'aime mieux payer l'intérêt,

Pourvu que le paiement soit prêt.

BONIFACE.

Je vous prie laissez faire à moi.

LE PROTONOTAIRE.

490   Aussi je m'en attends à toi.

BONIFACE.

Vous le pouvez, allez m'attendre

Dans le palais, j'irai vous prendre

Au repasser.   [ 14 Repasser : Après être allé d'un lieu à un autre, revenir de celui-ci au premier. [L]]

LE PROTONOTAIRE.

Le Secrétaire

M'y doit trouver pour quelque affaire.

SCÈNE II.
Constante, Richard, Boniface.

CONSTANTE.

495   Richard mon ami, dites lui

Que j'en endure autant d'ennui

Qu'il m'est possible, et que j'espère,

Mais qu'il soit parti, si bien faire

Qu'il sera content du devoir

500   Que j'en ferai.

BONIFACE, à part.

  Il faut savoir

Que veut ce doux contentement.

RICHARD.

Vous n'en voulez foi ne serment,

Mais il vous aime de tel coeur.

Que déjà son amour vainqueur

505   L'a presque mis au désespoir.

CONSTANTE.

Las, Richard, il a tout pouvoir

Sur moi qui suis sienne, et j'espère,

S'il me survient en mon affaire,

Le reconnaître tant que l'âme

510   Me batte au corps.

BONIFACE, à part.

  La pauvre femme

Ne se donne qu'à ses amis :

J'entends bien tout, elle a commis

Quelque petite portion

De l'amoureuse affection

515   Sur la bourse d'un amoureux.

RICHARD.

Mademoiselle, il est heureux

De ce qu'il vous plaît demander

La chose qu'il peut accorder.

CONSTANTE.

Et bien, Richard, vous lui direz

520   Que je suis sienne, et le prierez

De ce dont je vous ai parlé.

BONIFACE, à part.

Voilà le paquet emmalé,   [ 15 Emmaler : Mis dans une malle, enfermé.]

Mon maître peut bien dire à Dieu.

RICHARD.

Je ne puis plus être en ce lieu,

525   Je vais quérir l'autre quittance.

BONIFACE, à part.

Si est-ce que j'ai espérance

D'émoucher quelque argent de vous.   [ 16 Emoucher : Chasser les mouches. Par extension, battre, comme si les coups étaient donnés pour chasser les mouches. [L]]

CONSTANTE.

Haut, Boniface, un peu plus doux,

Quelqu'un vous fait-il déplaisir ?

BONIFACE, à part.

530   Il la faut avoir à loisir.

À Constante.

Ha, mademoiselle Constante.

CONSTANTE.

Quel est l'ennui qui vous tourmente ?

N'y saurait-on bientôt prévoir ?

Il est grand seigneur, qui peut voir

535   Monseigneur le Protonotaire.

BONIFACE.

Il est empêché d'un affaire

Qui est de bien grande importance,

En quoi il a bonne espérance

De parvenir à grand honneur.

CONSTANTE.

540   Et bien, bien, ce sera Monsieur,

Il ne voudra plus regarder

Ses amis.

BONIFACE, à part.

Tant elle sait farder

Et emmieller son langage !

CONSTANTE.

Bon Dieu, que vous êtes sauvage

545   Depuis un peu !

BONIFACE.

  C'est que je pense

À une bonne récompense

Qu'on donne pour son bénéfice,

Si quelqu'un veut faire un service

De lui prêter deux cents écus.

CONSTANTE.

550   Ne lui en faudrait-il non plus ?

BONIFACE.

Non.

CONSTANTE.

N'a-t-il point quelque amitié

Dedans Paris, pour la moitié ?

BONIFACE.

Non du tout, oui bien pour cinquante.

CONSTANTE.

Ha, vraiment je suis très contente

555   De lui prêter le demeurant,

Du bon du coeur, en m'assurant.

BONIFACE.

Mademoiselle, le plaisir

Sera selon votre désir

Honnêtement récompensé.

CONSTANTE.

560   À son vouloir.

BONIFACE.

  J'ai avancé

Ma langue, sans son mandement.

CONSTANTE.

Vous le pouvez honnêtement :

Car je suis si bien son amie,

Que s'il me demandait la vie

565   Je lui départirais mon âme,

BONIFACE.

Tant le bon vouloir d'une dame

Peut aider l'ami au besoin.

CONSTANTE.

Boniface, j'ai plus de soin

De l'avancement de son bien

570   Et honneur, que non pas du mien,

Encore que j'en soi reprise ;

Mais je suis tellement éprise

De son amour, que j'ai grand peur

Que ce soit mon dernier malheur.

575   Au pis aller, je suis heureuse

Que cette étincelle amoureuse

A touché sa perfection.

BONIFACE.

Ce n'est qu'a bonne intention

Mademoiselle, et le tourment

580   Se finira heureusement.

CONSTANTE.

Je prie Dieu qu'il vous veuille ouïr.

BONIFACE.

Et allez vous pourrez jouir,

Vous savez quoi.

CONSTANTE.

Ha ! Boniface.

BONIFACE.

Mademoiselle, votre grâce,

585   Et votre parfaite beauté

Seule vainquit sa liberté :

Car plus il vit en ce martyre,

Tant plus constamment il aspire

À faire chose qui contente

590   Le seul désir de sa Constante.

CONSTANTE.

Écoutez, je vous veux prier,

À cause que le Trésorier

S'apprête pour tantôt partir,

D'en vouloir Monsieur avertir,

595   Qu'il soit un peu plus diligent :

Et cependant, voilà l'argent,

Il m'en fera reconnaissance

Quand il viendra.

BONIFACE.

J'ai espérance

Qu'avant qu'il soit une bonne heure

600   Il sera dans votre demeure.

À part.

Vive, vive l'invention

Pour bien faire ma faction :

Il en faut bien faire la croix

En notre âtre : ils sont tous de poids,

605   Je les ai eus tous pour le prix

Que cette dame les a pris.

Je reconnais bien celui-ci,

Et ce double ducat aussi,

Un noble, un angelot encor :

610   C'était pour des bracelets d'or

Que Monsieur lui donna un jour.

Ce demeurant vient de l'amour

Des bonnes gens de son quartier.

A tous les diables le métier,

615   Oui ne nourrit et entretient

Le compagnon qui le maintient,

Et ne fut qu'un peigne de buis.

CONSTANTE, à part.

Au moins si le seigneur Loys

Me fait ce bien, dont je le prie,

620   Ma bourse sera bien remplie

De l'argent que j'ai déboursé.

SCÈNE III.
Le Trésorier, Sulpice, Constante.

LE TRÉSORIER.

Croyez qu'un argent avancé

Vaut bien cela.

SULPICE.

Si fait vraiment

Et je m'ébahi fort comment

625   Vous faites si honnête tour.

LE TRÉSORIER.

Sire Sulpice, c'est l'amour

Que je lui porte.

SULPICE.

Il le vaut bien.

Et puis de ces gens l'entretien

Sert de beaucoup aucune fois.

630   Il me souvient qu'un jour j'étais

En la court pour un mien affaire,

Seulement un protonotaire

Auquel j'avais fait du service

Fit tout mon cas.

LE TRÉSORIER.

Sire Sulpice,

635   Comme vous dites, le maintien

De gens de Cour, est notre bien.

Je crains que nos fautes commises

À la parfin ne soient reprises,

Comme nous voyons la fortune

640   Être plus souvent importune

À gens qui sont en tel degré,

Qui n'ont toujours le vent à gré :

Il ne faudrait au mal extrême

Que ce bon gentilhomme même

645   Pour bien conduire mon affaire,

S'il m'advenait quelque misère.

SULPICE.

Vous dites bien, il faut prévoir

Au mal qui nous peut décevoir.

C'est ainsi qu'il faut disposer,

650   C'est ainsi qu'il faut aviser

À un malheur qui se présente

Pour brouiller toujours notre attente,

Tant nature nous est cruelle.

Mais n'est-ce pas Mademoiselle

655   Que je vois venir droit à nous ?

CONSTANTE.

Mon Dieu, Monsieur, dépêchez-vous,

Vous savez qu'il est déjà tard.

LE TRÉSORIER.

Je n'attends plus qu'après Richard.

CONSTANTE.

Hélas mon Dieu ! La seule peur

660   Qu'il ne vous advienne un malheur

Me le fait dire, tous les champs

Sont remplis de mauvaises gens :

Surtout gardez vous bien du soir.

SULPICE.

Encore y fait il bon prévoir,

665   Cela ne vient que de bon coeur.

LE TRÉSORIER.

Si vous voyez le serviteur

Du seigneur Loys, que Marie

L'amène après nous.

CONSTANTE.

Je vous prie

De tôt dépêcher votre affaire.

SCÈNE IV.

MARIE, seule.

670   L'homme de ce Protonotaire

N'est pas des plus niais du monde :

Quand il est céans, il me sonde,

Et semble bien à l'ouïr dire

Qu'il ait intention de rire

675   Tout ainsi comme fait son maître :

Et crois que s'il se sentait être

Si peu que rien favorisé,

Il serait bien assez rusé

D'essayer s'il pourrait bien faire

680   Ce que fait le Protonotaire.

Je n'userai plus de rudesse

En son endroit, car ma maîtresse

Dit qu'il ne faut point refuser

Ce qui ne se peut onc user.

685   Aussi est-ce une grand' folie

Que d'engendrer mélancolie.

Nous n'aurons pas toujours le temps

Pour rendre nos désirs contents.

Il faut donc prendre le loisir,

690   Puisque nous voyons le plaisir

S'offrir d'une gaieté de coeur.

Et pourquoi non ? Le serviteur

N'aura-t-il aussi grand' puissance

De me donner la jouissance,

695   Et rendre l'appétit content

De ce point que l'on prise tant,

Comme Monsieur à sa Constante ?

Je crois que le mal qui tourmente

L'esprit et mon repos de nuit

700   Se guérit par même déduit :

Autant peut le lait que le prêtre,

Et le serviteur que le maître,

Le pauvre, comme un de grand' race.

Mais je ne vois point Boniface

705   Venir ainsi qu'il a promis.

ACTE III

SCÈNE I.

LOYS, seul.

Aujourd'hui l'on n'a plus d'amis

Si n'est la bourse et les écus ;

Aujourd'hui l'on ne trouve plus

Qui veuille tenir la querelle

710   De quelque honnête damoiselle :

Le gain fait tout, le gain emporte

Les remparts d'une ville forte ;

Le gain fait cocus les maris ;

Le gain est le dieu de Paris ;

715   C'est le dieu des inventions

Et la fin des intentions.

Le gain fait courir les marchands

Aux périls et dangers des champs,

Aux périls des vents et tempêtes

720   Qui plus souvent dessus leurs têtes.

Tombants d'épouvantable effort,

Leur mettent dans les dents la mort,

Voire au plus beau de leur jeunesse.

Encore qu'il soit tel, si est-ce

725   Que jamais il n'eut la puissance

De faire fléchir la constance

De ma Cruelle. De son coeur

Amour en fut le seul vainqueur :

Tant seulement d'une beauté

730   Son coeur se sentit incité ;

Il repose aussi en un lieu

Digne du triomphe d'un dieu.

Qu'un dieu tout seul aussi se vante

D'avoir fait broncher ma Constante,

735   Elle seule, dessous le Ciel,

Qui mérite avoir l'honneur tel.

L'amour qui le commun enflamme

N'est que neige auprès de ma flamme,

D'autant que sa divinité

740   Surpasse toute humanité

Au brasier qu'il m'a fait sentir.

SCÈNE II.
Richard, Loys.

RICHARD.

Monsieur, il est prêt à partir,

Et ne reste plus que quittance

Pour votre dette et pour l'avance :

745   Car l'argent est déjà tout prêt.

LOYS.

Combien prend-il pour l'intérêt ?

RICHARD.

Vingt-cinq écus sur le paiement,

Et autant sur l'avancement.

LOYS.

C'est trop vraiment de la moitié.

RICHARD.

750   Encore si n'était l'amitié

D'un sien voisin, il ne pourrait

Vous en bailler.

LOYS.

Et ce serait

Un tour duquel la repentance

Suivrait de bien près la vengeance.

755   Retiendrait-il ainsi mon bien ?

RICHARD.

Monsieur, encore n'y prend il rien,

C'est un marchand, comme j'ai dit.

LOYS.

Pardieu il a pauvre crédit

À ce prêteur.

RICHARD.

Voilà que c'est :

760   Les amis sont à intérêt,

Encore se faut-il hâter.

LOYS.

Or puisqu'il en faut échapper

Voilà l'autre quittance encor'.

RICHARD.

C'est mon, mais de la chaîne d'or

765   Que demande la damoiselle ?

LOYS.

Je n'en sache point d'assez belle :

Délivre lui cinquante écus

Pour en acheter une, ou plus,

S'il est métier, la récompense

770   Que je prétends vaut la dépence :

Au demeurant hâte le pas.

Il sort.

RICHARD.

Les escadrons et les combats

N'eurent oncque si grand' puissance

Que Monsieur n'y fit résistance :

775   Et maintenant une beauté

Triomphe de sa liberté.

Encore vraiment la Damoiselle,

Quand tout est dit, n'est pas si belle :

Toutefois je ne la déprise :

780   Car on dit que la marchandise

Qui plaît est à demi vendue.

Je crains que ma voix entendue

Ne soit entrée en la cervelle

De cette rapporte-nouvelle,

785   Qui m'attend là devant la porte :

Car vraiment elle est assez sotte

Pour le rapporte à Constante.

SCÈNE III.
Marie, Richard.

MARIE.

Voici Richard qui se tourmente

De quelque malheur advenu.

790   Son esprit est bien détenu

À voir sa manière de faire.

RICHARD.

Il faut penser à mon affaire.

Puisque j'approche la maison.

MARIE.

Venez, Richard, c'est la raison

795   Que si longtemps on vous attende.

RICHARD.

Et bien, quoi, petite friande ?

Vous serez donc toujours fâcheuse ?

Vous ferez donc la rigoureuse

Au pauvre Richard langoureux ?

800   Mon Dieu, que je serais heureux,

Si je pouvais à mon loisir

Avoir de ce sein le plaisir :

Ces deux ivoirines boulettes,   [ 17 Ivoirine : Qui est d'ivoire ou qui est semblable à l'ivoire [L]]

Ces deux cerises rondelettes.

805   Ce sera bien quand vous voudrez.

MARIE.

Lâchez vos chiens, vous les prendrez,

Car vous êtes le nonpareil.   [ 18 Nonpareil : Qui est sans pareil. [L]]

RICHARD.

Si vous êtes de mon conseil

Nous ferons bien nos besognettes.   [ 19 Besognette : On lit besongnette. Probablement diminutif de besongne, petit travail, tâche.]

MARIE.

810   Et mon, Dieu, Richard, que vous êtes

Ores éveillé pour votre âge !

RICHARD.

Ce n'est sinon que le courage

Qui s'augmente de jour en jour.

MARIE.

Vous voulez donc faire l'amour ?

RICHARD.

815   Ma foi, Richard se délibère

Avoir toujours pour l'ordinaire

Quelque chose qui soit de mise.

MARIE.

Voilà une belle entreprise.

RICHARD.

Il m'y faut or' avant prévoir.

MARIE.

820   Comment ? Il semblerait à voir

Que vous ne sussiez troubler l'eau.

RICHARD.

L'intention est au cerveau,

Marie, et puis il ne faut pas

Estimer le moine à son pas

825   Quand il marche dans le couvent.

MARIE.

Ananda vous êtes savant,

Vous entendez bien cette affaire.

RICHARD.

Je suis niais, laissez moi faire,

Aussi bien n'engendrai-je point.

MARIE.

830   Richard, Richard, j'entends le point.

Vous voulez rire, c'est cela.

RICHARD.

Ma foi, me voici, me voilà,

Je ne tiens jamais mon courroux,

Je suis humain, courtois et doux,

835   Prêt à vous faire tout service,

À celle fin que je jouisse.

Vous entendez le demeurant.

MARIE.

Sus, sus, Richard : marchez avant :

Monsieur le Trésorier attend

840   Pour vous donner argent comptant.

Il est chez le sire Sulpice.

RICHARD.

Prendre argent est un bon office,

Et mauvais d'être fournisseur.

MARIE.

Vous êtes un beau gaudisseur,   [ 20 Gaudisseur : Celui, celle qui aime à se gaudir. Terme familier et qui commence à vieillir. Se réjouir. [L]]

845   Ananda je m'y recommande.

RICHARD.

Adieu la petite friande.

MARIE.

Il veut ressembler Boniface.

SCÈNE IV.
Constante, Marie.

CONSTANTE.

Viens çà, méchante, quand sera-ce

Que feras ce qu'il appartient ?

850   Dis.

MARIE.

  Ce n'est pas à moi qu'il tient.

CONSTANTE.

Que jases-tu en cette place ?

MARIE.

Que voulez-vous si Boniface

Ne se veut d'aventure hâter ?

CONSTANTE.

Qu'as-tu à faire d'arrêter

855   Le valet du seigneur Loys,

À babiller devant cet huis   [ 22 Huis : Terme vieilli qui signifie porte. [L]]  [ 21 Babiller : Parler beaucoup, facilement, et surtout pour le seul plaisir de parler. [L]]

Avec lui ? Vous sentez le coeur :

Encore avec un serviteur.

Saint Jean, le bon ami de Dieu,

860   Vous irez en un autre lieu

Faire votre belle menée.

Comment, madame l'affétée   [ 23 Affeté : Qui a de l'afféterie ; qui marque de l'afféterie. Recherche mignarde dans les manières ou dans le langage. [L]]

Est-ce l'état que je vous montre ?

Croyez que si je vous rencontre,

865   Vous maudirez à jamais l'heure

D'avoir entré en mon demeure.

Marchez, marchez, entrez dedans.

Seule.

Voilà, c'est l'amour de ce temps ;

Aujourd'hui l'on ne voit plus homme

870   Garder la fidélité, comme

Les amoureux du temps passé.

Le ferme amour est déchassé.   [ 24 Déchassé : parti.]

Et en son lieu une feintise,   [ 25 Feintise : Habitude de la feinte. Synonyme de feinte, avec cette seule nuance que feintise vieillit et qu'il a un air archaïque. [L]]

Le seul masque, à sa place prise.

875   Nous cependant, mal avisées,

Sommes plus souvent abusées

Par ceux qui ne font que chercher

Le moyen de nous débaucher.

Et voilà comment aujourd'hui

880   La fin d'amour n'est rien qu'ennui :

Car des hommes l'outrecuidance

Est cause de cette inconstance

Eux qui tireraient d'une femme

Les biens, l'honneur, le corps et l'âme :

885   Et puis quand ils ont fait, à Dieu,

Tout autant en un autre lieu,

Ainsi que fortune leur donne :

Mais en vain je me passionne.

SCÈNE V.
Le Protonotaire, Boniface, Constante.

LE PROTONOTAIRE.

Ma Constante se plaint de moi,

890   Et m'accuse, comme je crois,

De ce que je demeure tant

À venir.

CONSTANTE.

Ah ! Trop inconstant !

Et moi trop facile à le croire !

Je pensais le Protonotaire

895   Être digne d'un plus grand heur :

Mais je crois que son serviteur

A pris sur lui plus de puissance

Qu'il ne fit onc d'obéissance.

LE PROTONOTAIRE.

Ha Boniface ! Maintenant

900   J'aperçois que tout ce tourment

Ne lui vient sinon que de moi.

CONSTANTE.

L'amour donc n'aura plus de loi ?

On n'en fera donc plus de compte ?

LE PROTONOTAIRE.

L'impatience me surmonte,

905   Je n'en saurais plus endurer.

CONSTANTE.

Encore qui me fait espérer,

C'est la mort après longue attente.

LE PROTONOTAIRE.

Las ! Que pensez-vous, ma Constante,

En vous menaçant du trépas ?

BONIFACE, à part.

910   Le voilà pris, il a son cas,

La dame le tient à son aise.

CONSTANTE.

Hélas ! Monsieur ne vous déplaise,

Je vous pensais être plus loin.

LE PROTONOTAIRE.

Comment, mon coeur ? Comment, mon soin ?

915   Penseriez-vous bien qu'en amour

Je voulusse faire un tel tour ?

Vous n'avez expérimenté

Quel vouloir à ma fermeté,

Encore vous n'avez assurance

920   Quelle est en amour ma constance.

BONIFACE, à part.

Il en a tout au long du bras.

CONSTANTE.

Pardonnez moi, mon seul soulas,   [ 26 Soulas : Terme vieilli. Soulagement, consolation, joie, plaisir. [L]]

L'amour est toujours soupçonneux.

BONIFACE, à part.

C'est l'ordinaire entre amoureux,

925   Qui fait que la foi se renforce :

Car c'est d'amour subtile amorce   [ 27 Amorce : Fig. Tout ce qui fait mordre à, tout ce qui attire. [L]]

Que les débats de deux amants.

LE PROTONOTAIRE.

La mort puisse mes jeunes ans

Plutôt retrancher en ma fleur,

930   Que je sois jamais serviteur

D'une autre dame que de vous.

Jamais l'amour ne me soit doux,

Si par mon infidélité

Je sers à une autre beauté.

935   Plutôt me laisse tout ami,

Et plutôt me soit ennemi

L'aspect de mon astre fatal.

BONIFACE, à part.

Il est au plus fort de son mal.

Il n'y a rien dessous les cieux

940   Ou pire, ou plus audacieux.

CONSTANTE.

Aussi vous savez, Monseigneur,

Que mon corps et tout mon honneur

Vous fut abandonné par moi

Sur l'assurance de la foi,

945   Comme seul digne d'être aimé.

LE PROTONOTAIRE.

Aussi toujours ai-je estimé

Mon heur favorisé des dieux,

Comme celui seul sous les cieux,

Qui est heureux en ses amours.

BONIFACE, à part.

950   C'est la coutume, on voit toujours

Ces jeunes gens à marier

Devenir fols.   [ 28 Fol : fou.]

LE PROTONOTAIRE.

Le Trésorier.

A-t-il déjà gagné le haut ?

CONSTANTE.

Non pas encore, mais il faut

955   Entrer céans, et vous cacher :

Encor faut-il se dépêcher,

Car il n'est pas loin.

LE PROTONOTAIRE.

Mais comment ?

S'il demeurait plus longuement ?

CONSTANTE.

Il est sur le point de partir.

SCÈNE VI.
Richard, Constante.

RICHARD.

960   Par le corps, j'en veux avertir

Mon maître, il le saura : comment !

Est-ce là donc le beau serment

De loyauté ? Je m'en doutais,

J'en suis certain à cette fois :

965   Car de mes deux yeux je l'ai vu.

CONSTANTE.

Et bien, Richard, avez-vous eu

Votre paiement ?

RICHARD.

Une moitié.

CONSTANTE.

Mon don n'est il point oublié ?

RICHARD.

Voici l'argent pour en avoir,

970   Si vous voulez le recevoir.

CONSTANTE.

Pourquoi non ?

RICHARD.

Ouvrez votre main.

CONSTANTE.

Ha, Richard, ce serait en vain,

Je vous prie, ne me trompez plus.

RICHARD.

Non, non, voilà cinquante écus

975   Pour avoir une chaîne d'or,

Me pensez-vous moqueur ?

CONSTANTE.

Encore

Vous avez de moi souvenance ;

Voilà pour votre récompense.

RICHARD.

Il m'a commandé de savoir

980   Quand il pourrait vous venir voir.

CONSTANTE.

Non pas pour aujourd'hui, demain.

RICHARD.

Touchez en donc dedans ma main.

Elle sort.

CONSTANTE.

Je le veux, je me recommande.

RICHARD.

Par le corps bieu, elle ne demande   [ 29 Par_le_corps_bieu : juron.]

985   Que les écus : car quant au reste,

Elle a son cas ; mais je proteste

D'en avoir bientôt la vengeance,

Et du paiement et de l'avance ;

Et des cinquante écus encore,

990   Des anneaux et des chaînes d'or

Dont Monsieur lui a fait présent ;

Elle n'a rien trop chaud ne pesant.

Et voilà, la coutume est telle :

Car envers une damoiselle

995   Il faut toujours l'argent en main :

Et puis on sait bien que son gain

Est semblable à l'oisellerie :

L'oiseleur en quelque prairie

Vient épandre ses grains semés,

1000   Où les oiseaux accoutumés

Ainsi se laissent amorcer :

(Car il faut un peu avancer

Pour en avoir du grain après)

Et lorsqu'ils sont pris dans les rets   [ 30 Rets : Filet pour prendre du poisson, du gibier. [L]]

1005   Ils paient au long la dépense.

Dont l'oiseleur a fait l'avance.

Ainsi le bordeau, c'est le pré,   [ 31 Bordeau : Vieux pour bordel ; lieu de prostitution.]

Là ou l'amoureux est entré

Comme un oiseau : la maquerelle   [ 32 Maquerelle : Terme qui ne se dit pas en bonne compagnie. Celui, celle qui fait métier de débaucher et de prostituer des femmes ou des filles. [L]]

1010   Est l'oiseleur, qui renouvelle

Souvent l'appas, et met en main

Au lieu d'amorce, une putain :

Les caresses, les mignardises,

Les bonjours et les gaillardises,

1015   Le doux accueil, le deviser,   [ 33 Deviser : Échanger avec quelqu'un de menus propos. [L] Ici substantivé.]

Sont les moyens d'apprivoiser.

Et en cette façon, mon maître

Est aux rets : mais si je puis être

Écouté, il aura vengeance

1020   De toute cette grand' dépense.

Encore ce beau Trésorier,

Et ce cocu, se fait prier,

Où il est le plus diligent :

Et fait accroire que l'argent

1025   Qu'il m'a baillé n'est pas à lui.

Je lui ferai dire aujourd'hui

Celui qui a mangé le lard,

Si je le puis tenir à part.

ACTE IV

SCÈNE I.
Loys, Richard.

LOYS.

Amour premier de notre vie

1030   Inventa la bourellerie,  [ 34 Boulrellerie : Le métier, le commerce du bourrelier : ouvrier qui fait et vend des harnais. [L]]

Et cruauté, comme je crois :

Car assez en moi j'aperçois

Combien sa rage est redoutable,

Moi qui suis le plus misérable

1035   Qui soit en ce monde vivant.

Je suis ébranlé comme au vent,

Je suis époind et tourmenté,   [ 35 Époindre : Terme vieilli. Faire sentir un aiguillon, un désir. [L]]

Demi-mort, rompu, transporté,

Tourné dans la roue d'amour :

1040   En mon esprit ne fait séjour

Aucun repos, je suis jà las,

Là je suis où je ne suis pas,

Mon esprit n'est là où je suis,

Je veux cela que je ne puis ;

1045   Vivant et mourant je demeure ;

Ce qui me plaît en la même heure

Me tourne en mécontentement,

Tant déjà l'amoureux tourment

S'est acquis sur moi de puissance :

1050   Il me met en route, il m'élance,

Il désire, il ravit, il tient,

Ce qu'il me donne, il le retient :

Il me fait à l'instant défaire

Ce que lui même m'a fait faire,

1055   Et l'oeuvre faite à sa poursuite

Est tout incontinent détruite

Et encore avec ces malheurs,

Ce seul point ci fait que je meurs.

Richard.

RICHARD.

Monsieur.

LOYS.

Ce peut-il faire

1060   Que ce gentil Protonotaire

Soit jouissant de mon mérite ?

RICHARD.

Je vous ai l'affaire décrite,

Hors mis le saut tant seulement.

N'est-ce donc pas assez ?

LOYS.

Comment ?

RICHARD.

1065   Demandez vous comment j'ai su

Ce beau chef-d'oeuvre ? Je l'ai vu

De mes deux yeux : et d'avantage,

J'ai entendu tout leur langage,

Et la conduite de l'affaire.

LOYS.

1070   Mais qui est ce Protonotaire ?

Le pourras-tu bien reconnaître ?

RICHARD.

Ha, je vois bien que c'est mon maître

Ne croira Dieu que sur bon gage.

LOYS.

Je perds le sens et le courage

1075   Tant ce dur rapport me tourmente.

Qui eut pensé que ma Constante

M'eut voulu faillir en amour,

Et me faire un si lâche tour ?

Encore ne le puis-je croire.

1080   As-tu vu ce Protonotaire

Entrer dedans ?

RICHARD.

Oui, je l'ai vu.

LOYS.

As-tu vu qu'elle la reçu ?

RICHARD.

J'ai vu même qu'elle le baisait,

Et, le flattant, le courtisait.

LOYS.

1085   Tout cela n'est que courtoisie ;

Je ne prends point de fantaisie

Pour un baiser : car maintenant

Cela se fait honnêtement.

RICHARD.

Mais quand avecque ce baiser

1090   On ajoute le deviser,

Qui montre assez l'affection

De l'amoureuse passion,

Je crois qu'il ne faut plus de doute.

LOYS.

Est-ce ainsi donc qu'elle me redoute ?

1095   Serai-je donc si peu prisé ?

RICHARD.

Elle vous a dévalisé.

LOYS.

Encore ne le crois-je point.

Raconte moi de point en point

Comment le tout c'est démené.

RICHARD.

1100   J'étais en un lieu détourné,

Ou j'ai entendu tout l'affaire.

LOYS.

Je suis donc contraint de le croire :

Tu ne voudrais être menteur.

RICHARD.

Je n'en suis que le serviteur,

1105   Et pour le devoir de service

Je fais au moins mal mon office

Qu'il m'est possible. Au demeurant

Toujours véritable, espérant

Faire toujours de mieux en mieux.

LOYS.

1110   L'eau, la terre, l'air et les cieux,

Et mille autres fureurs éprises

Contrarient mes entreprises.

Mais je veux montrer combien peut

Mon vie depuis qu'elle s'émeut.

RICHARD.

1115   Celui qui voudra s'empêcher,

Qu'il entreprenne être nocher.

Pour dessus la grand' mer conduire

Par son conseil une navire

Et une femme : car au monde,

1120   Il n'y a rien qui plus abonde

En toutes affaires nouvelles

Que les nefs et les damoiselles.

Et pourtant si mon maître est sage,

Qu'il ne s'en fâche davantage.

1125   Puis j'ai entendu bien souvent,

Que d'une femme le devant,

Ressemble à cette lampe ardente,

Qui est dans l'Église pendante,

À fin d'allumer les chandelles

1130   De toutes les offrandes nouvelles :

Elle en allume infinité

Sans rien perdre de sa clarté :

Aussi la femme a beau changer

Un familier à l'étranger,

1135   L'étranger au premier venu,

Toujours son cas est maintenu

En son entier, si d'aventure

Elle n'y mêle quelque ordure.

Et si dit-on communément,

1140   Qu'après le doux ébattement

Du jeu d'amour, il n'y perd plus

Le tablier rabaissé dessus.

SCÈNE II.
Le Trésorier, Sulpice.

LE TRÉSORIER.

Sire Sulpice, j'ai vouloir

De vous le faire apercevoir.

SULPICE.

1145   Vous me faites par trop d'honneur.

LE TRÉSORIER.

Vous trouverez un serviteur

Et un ami en mon endroit.

SULPICE.

Non, non, Monsieur, quand il faudrait

Montrer la bonne affection,

1150   Vous sauriez quelle intention

J'ai de vous faire du service.

LE TRÉSORIER.

Je le sais bien, sire Sulpice,

Ce n'est d'aujourd'hui seulement :

Et je vous promets le serment,

1155   Que tant que Dieu me donne vie

J'aurai toujours pareille envie :

Je vous connais digne d'aimer.

SULPICE.

Autant devez vous estimer

De ma part.

SCÈNE III.
Loys, Richard, Thomas, Le Trésorier, Sulpice.

LOYS.

Çà, çà, tous en armes.

RICHARD.

1160   Ils ont affaire à des gendarmes,

Ils le connaîtront par effet.

THOMAS.

Monsieur, ce ne serait mal fait

De prendre en main quelque rondelle.

LOYS.

Non, non, je n'ai que faire d'elle,

1165   Elle pense donc que je prise

Davantage sa marchandise

Que mon honneur : je ne suis plus

De ceux qui donnent des écus

Pour m' entretenir en sa grâce :

1170   Je suis d'une trop noble race.

THOMAS.

Je veux faire provision

Maintenant d'un bon morion   [ 36 Morion : Ancienne armure de tête plus légère que le casque. [L]]

Pour couvrir le haut de ma tête.

LOYS.

Me penserait elle tant bête

1175   Que voulusse endurer tel sort ?

LE TRÉSORIER.

Sire Sulpice, quel effort !

Que veut dire cette entreprise ?

SULPICE.

Possible quelque noise éprise   [ 37 Noise : Discorde accompagnée de bruit. [L]]

Entre eux : car toujours ces soudards  [ 38 Soudard : Terme familier. Homme qui a longtemps servi à la guerre et qui en a les habitudes ; il se prend en mauvaise part, soit par moquerie, soit pour exprimer la grossièreté ou la barbarie. [L]]

1180   Ont querelles en toutes parts.

LE TRÉSORIER.

Entrons dedans.

SULPICE.

Fermez votre huis.

LE TRÉSORIER.

Je connais le seigneur Loys,

Je crois qu'il ne me cherche pas.

RICHARD.

Monsieur, monsieur, hâtons le pas,

1185   Le Trésorier est à la porte.

LOYS.

Çà, çà, faites moi bonne escorte ;

Qu'on me lui fende les naseaux.

RICHARD.

Je veux comme des bécasseaux   [ 39 Bésasseau : Petit de la bécasse ; oiseau. Fig. et populairement. C'est une bécasse, se dit d'une femme sans esprit. [L]]

Enfiler cette Trésorière,

1190   Le Trésorier, la chambrière,

Pour marque qu'une telle injure

N'est impunie.

THOMAS.

Et moi je jure

Que le premier par moi trouvé

Demeurera sur le pavé,

1195   Protonotaire et Boniface.

LE TRÉSORIER.

Sire Sulpice, il nous menace.

Hélas, mon Dieu ! Je suis perdu.

THOMAS.

Le Trésorier m'a entendu,

Il heurte pour entrer dedans.

SULPICE.

1200   Ils sont armes jusques aux dents,

Et si chacun son bâton porte.

LE TRÉSORIER.

Ne veut-on point ouvrir la porte ?

Me laisserez vous massacrer ?

THOMAS.

Il est en grand peine d'entrer,

1205   Poussons dedans, armet en tête.   [ 40 Armet : Armure de tête. [L]]

LOYS.

Sus, que chacun de vous s'apprête

De faire maintenant devoir.

RICHARD.

Je lui ferai bien à savoir

A ce gentil Protonotaire,

1210   Qu'il n'a pas maintenant affaire

À un pédante de collège.   [ 41 Pédant : Terme de mépris. Celui qui enseigne aux enfants. Pédant, pédante, celui, celle qui, avec de médiocres lumières et peu de savoir-vivre, prend un air de suffisance, et fait un usage mal entendu de sa doctrine. [L] Le féminin n'est pas requis ci-contre, il permet de faire 8 pieds au vers.]

THOMAS.

Il est pris, il s'est mis au piège.

LOYS.

Sus, sus, dedans, enfoncez l'huis.

RICHARD.

Il me semble à voir que je suis

1215   A l'assaut de quelque rempart.

Enfonçons l'huis de part en part,

Nous sommes sur nos ennemis.

SCÈNE IV.

MARIE, seule.

Miséricorde mes amis,

Sommes-nous en une province

1220   Où l'on ne craigne point le Prince ?

Hélas, mon Dieu ! Quelle frayeur !

Encore qui plus est, Monsieur

A trouvé ce Protonotaire,

Qui n'a su autre chose faire,

1225   Sinon que se pensant, sauver,

Et voyant subit arriver

Le courtisan et ses soudards

Qui le cherchaient de toutes parts,

Il s'est rendu à leur merci.

1230   Ô quel ennui ! ô quel souci !

Quelle lamentable journée

Maintenant nous est ordonnée !

Voilà, jamais nous n'aurons bien

Dans le logis : car aussi bien

1235   Toujours le Trésorier jaloux

Nous acravantera de coups :   [ 42 Acravanter : Assomer, accabler. [Ancien français]]

Jamais il n'aura merci d'elle,

Encore si ma Damoiselle

N'eût été prise en ce délit

1240   Avec monsieur dessus le lit,

L'on eut pu couvrir cette affaire :

Mais comment ? le Protonotaire

La tenait déjà embrassée,

Quant le mari la devancée

1245   Comme elle se pensait cacher,

Et si ne la pouvait lâcher :

Ce qui a tant seulement fait

Qu'il les a pris dessus le fait.

Je m'ébahis bien fort comment

1250   Il n'est venu premièrement,

À Boniface : toutefois

J'en suis échappée.

SCÈNE V.
Boniface, Marie.

BONIFACE.

J'étais

Pour mon profit particulier,

Quant j'ai ouï ce beau Trésorier

1255   Heurter, crier d'une voix forte

Que l'on lui vint ouvrir la porte.

Si est-ce que j'ai si bien fait,

Qu'il ne m'a pris dessus le fait,

Car, quand j'ai oui ce beau ménage,

1260   Ainsi qu'un homme de courage

J'ai gagné le grenier au foin :

Les jambes servent au besoin,

Encore n'est-il que toujours être.

Mais, par Dieu, cependant mon maître

1265   Est pour les gages demeuré,

Et moi un peu plus assuré

Que je n'étais.

MARIE.

Hé ! Boniface !

Vraiment vous avez bonne grâce,

Encore vous vous moquez des gens.

BONIFACE.

1270   Comment cela ? Ce sont sergents,

Qui veulent mener prisonnier

Votre maître le Trésorier.

Quant à moi, j'aime mieux m'en taire.

MARIE.

Mais Monsieur le Protonotaire

1275   Est tout seul entre ces soudards.

BONIFACE.

Je ne me mets en tels hasards,

Je pourrais bien faisant ma monstre

Recevoir quelque malencontre :   [ 43 Malencontre : Mauvaise rencontre. [L]]

Je ferai ci la sentinelle.

MARIE.

1280   Lors que dira Mademoiselle !   [ 44 Le E de mademoiselle est remplacé par une apostrophe.]

Il m'est avoir qu'elle me suit.

Hé ! Vierge Marie, quel bruit !

Je crois que le seigneur Loys

Veut vous tuer.

BONIFACE.

Il n'est que l'huis

1285   Pour bien échapper du danger :

C'est assez pour m'en étranger,

Par Dieu, je n'y retourne pas.

MARIE.

Hé ! Boniface, parlez bas :

Je m'en vais jusque à la sallette.   [ 45 Sallette : Petite salle. Désuet.]

BONIFACE.

1290   Quant à moi, ma tâche est jà faite,

Je n'y retourne du jourd'hui,

Puisque l'affaire j'ai conduis,

Jusqu'ici, j'en suis échappé.

Et Monsieur demeure trompé ;

1295   Qu'il se contente à sa fortune.

MARIE.

Elle nous est à tous commune :

Encore en fault-il voir la fin.

BONIFACE.

J'en suis bien content : mais à fin

Que ne m'y pensiez embrouiller,

1300   Si l'on me faisait dépouiller ;

J'en aurais mon recours sur vous.

ACTE V

SCÈNE I.
Sulpice, Loys, Richard, Le Trésorier.

SULPICE.

Monsieur, soyez un peu plus doux,

Quel profit pourriez vous avoir

Quand vous le feriez à savoir

1305   À la justice ?

LOYS.

  C'est tout un

Le profit est à tous commun.

RICHARD.

Çà, çà, monsieur le Trésorier,

Vous en porterez le collier,

Et ce pour juste récompense

1310   D'avoir pillé l'argent de France.

SULPICE.

Il se soumet à tout accord.

RICHARD.

Par Dieu, je serai le plus fort,

Vous viendrez aussi quand et quand,

Car vous en faisiez le paiement

1315   En son nom, m'aidant à tromper

Vous ne me pouvez échapper

Que ne vous fasse mille ennuis.

LE TRÉSORIER.

Écoutez moi, Seigneur Loys,

Vous savez que j'ai fait avance :

1320   Sera-ce donc la récompense

Que pour moi vous voulez choisir,

Après vous avoir fait plaisir ?

Auriez-vous bien donc le courage

De m'empêcher en ce voyage,

1325   Considéré que mon affaire,

Me contraint comme nécessaire

Pour le profit de notre Prince ?

RICHARD.

Vous êtes sujet à la pince,

C'est cela qui gâte le tout.

LOYS.

1330   Encore en aurons-nous le bout,

Richard, fais ce que je commande.

LE TRÉSORIER.

Seigneur Loys, je ne demande

Sinon avoir appointement

Avecque vous.

RICHARD.

Premièrement

1335   Il faut venir en la prison.

LE TRÉSORIER.

Je vous ferai toute raison,

Si vous faites un tour honnête.

RICHARD.

Cela n'est que laver la tête

De l'âne qui est aux Bons-hommes.   [ 46 Bons-hommes : religieux établis l'an 1259, en Angleterre, par le prince Edmond ; ils professaient la règle de Saint Augustin et portaient un habit bleu. [L]]

LOYS.

1340   Voici grand cas, tant que nous sommes

N'aurons pouvoir de le mener

Au palais pour l'emprisonner,

RICHARD.

Chargez le moi comme une balle

Sus le dos, ou comme une malle,

1345   Puis nous aurons votre courtaud   [ 47 Courtaud : Personne de taille courte et ramassée. [L]]

Qui le mènera aussitôt

Que commandé.

SULPICE.

Soumettez vous,

Et puis Monsieur sera plus doux.

LE TRÉSORIER.

À celle fin d'en voir le bout,

1350   Je suis content de perdre tout.

J'ai payé le quartier passé,

Encore vous ai-je avancé

Celui qui vient, pour avoir paix

Avecque vous, Monsieur, je fais

1355   Comme si n'eussiez rien reçu.

SULPICE.

Vraiment vous ne serez déçu

Par ce moyen, et de ma part

J'en donnerai le vin à Richard :

Et si désire faire plus.

LOYS.

1360   Vous dites bien : mais les écus

Que la Constante tient encore

Pour avoir une chêne d'or ?

LE TRÉSORIER.

Ces écus vous seront rendus,

Et d'autant d'autres dépendus,

1365   Pour nous réjouir tous ensemble.

SULPICE.

C'est un bon parti ce me semble.

RICHARD.

Le vin que vous avez promis

À Richard, n'est-il pas donc mis

Parmi le marché ?

SULPICE.

Si est bien,

1370   Je vous le veux donner du mien.

RICHARD.

Mais j'aime bien mieux dans ma main

Le voir que d'attendre à demain :

Car je sais bien que les promesses

De leur naturel sont traîtresses :

1375   Parquoi si voulez paix à moi

Foncez argent.

SULPICE.

Ha, par ma foi,

Vous l'aurez, car c'est la raison.

LOYS.

Entrons doncques en la maison

Affin de ravoir ma quittance :

1380   Car je veux du tout assurance.

SCÈNE II.
Boniface, Le Protonotaire.

BONIFACE.

Non, non, Monsieur, si j'eusse été

Dedans notre Université,

Je leur eusse fait à connaître

Que là dedans je suis le maître.

1385   Encore j'ai bonne espérance

D'en avoir un jour la vengeance.

LE PROTONOTAIRE.

Mais que diable es-tu devenu

Cependant ?

BONIFACE.

J'étais détenu

Combattant contre deux soudards :

1390   Par dieu, c'étaient deux grands pendards,

Qui m'eussent arraché la vie

Du corps, si n'eut été l'envie

Qu'avais de vaillamment défendre,

Si bien que je leur ai fait rendre

1395   Tout le courage avec les armes,

Encore que ce fussent gendarmes.

LE PROTONOTAIRE.

Par dieu, je n'ai su si bien faire,

Qu'au plus fort de tout mon affaire

Je n'aie été surpris. Mais quoi ?

1400   Il ne se souvient plus de moi :

Car l'ardeur du Seigneur Loys,

Qui enfonçait en bas son huis

Pour entrer dedans la maison,

Lui a fait perdre la raison.

BONIFACE.

1405   Non, Monsieur, je m'en veux venger.

LE PROTONOTAIRE.

Mais, Boniface, en quel danger

Penses-tu que j'étais alors ?

Je t'assure que tout mon corps,

Étant aussi froid que le marbre,

1410   Tremblait comme une feuille d'arbre.

BONIFACE.

Ne pourriez-vous revancher ?

LE PROTONOTAIRE.

Encore ne savais-je attacher

Mes chausses chutes aux genoux.

BONIFACE.

Ha, si j'eusse été avec vous !

LE PROTONOTAIRE.

1415   Encore me pensant sauver,

Un autre m'est venu trouver

Caché dans la chambre privée :

Puis Constante y est arrivée,

Ce qui a fait que, me sauvant,

1420   Je me suis trouvé au devant

Du Seigneur Loys, qui suivait

Le Trésorier, qui s'enfuyait.

BONIFACE.

Quelle mine vous a-t-il fait ?

LE PROTONOTAIRE.

Il m'a dit que c'était bienfait

1425   À l'homme qui cherche toujours

Son aventure en ses amours,

Et que lui, étant pourchassant

De ce dont j'étais jouissant,

Il se pensait être aimé d'elle.

BONIFACE.

1430   Comment ! De cette damoiselle ?

Sait-on pas bien qui est Constante ?

LE PROTONOTAIRE.

Oui, et qu'en cette folle attente

Il avait dépendu beaucoup :

Mais qu'il voulait tout en un coup

1435   Son argent, que le Trésorier

Retenait dessus son quartier,

Puisqu'elle était ainsi commune.

BONIFACE.

Or la damoiselle en a d'une,

L'argent qu'elle vous a prêté

1440   Entre nos mains est arrêté

Jusque à la plus grande récompense,

Des présents et de la dépense

Que vous avez fait, poursuivant

Son amour, et dorénavant

1445   Il se faut garder d'y rechoir.   [ 48 Rechoir : Fig. Retomber dans une même maladie ou dans une même faute. [L]]

LE PROTONOTAIRE.

Boniface allons nous en voir

Tous les écus de la Constante.

SCÈNE III.

MARIE, seule.

Loué soit Dieu, tout se contente :

Et qui plus est, le Trésorier

1450   Ne sera point mis prisonnier;

J'en remercie bien nos amis.

Encore plus il a promis

Pardonner, dont je me contente,

À Mademoiselle Constante,

1455   Et à moi aussi, promettant

D'en faire encore demain autant,

Cela s'entend : mais par ma foi,

Je regarderai mieux à moi,

Et à mon cas dorénavant,

1460   Que je n'ai fait par ci-devant.

Ne vaudra-il pas mieux choisir,

Afin de prendre mon plaisir,

Quelque jeune homme, que toujours

Languir aux misères d'amours ?

1465   Si fait, pendant que la jeunesse

Émut dans mon coeur l'allégresse

Du doux amour, qui or' m'enlasse,

Et duquel déjà Boniface

M'a fait sentir l'ébattement,

1470   Mais ce sera secrètement :

Car voilà, l'on n'est jamais sage

Qu'après les plaies : c'est, c'est l'usage

Du temps qui court, et pour vrai dire,

Ma maîtresse veut toujours rire

1475   Au premier venu, c'est tout un,

Autant aux nobles qu'au commun :

Et en cela gît tant l'affaire

De par dieu. Le Protonotaire

Dont elle tirait tant d'écus,

1480   Maintenant n'y reviendra plus,

Et voilà autant de pratique.

Étrangée de sa boutique.

Mais il faut aller apprêter

Le banquet. De vous inviter

1485   Messeigneurs, j'aurai bonne envie :

Mais, ananda, la compagnie   [ 49 Au vers 1486, il est écrit anenda, nous préférons ananda pour homogénéiser la graphie dans tout le texte.]

Qui est céans mangerait bien

Le Trésorier et tout son bien.

 


EXTRAIT DU PRIVILÈGE

Il est permis à Vincent Sertenas marchand libraire à PAris d'imprimer ou faire imprimer par qui bon lui semble, et exposer en vente le présent livre imprimé Le Théâtre de Jacques Grévin de Clermont en Beauvaisis, avec le second livre de l'Olympe, et de la Gelodacrye. Avec défenses à toutes autres personnes qu'il appartiendra de n'imprimer, n'exposer en vente icelui livre, sans le vouloir et consentement dudit Sertenas, dedans le temps de six ans prochainement venants et accomplis, sur peine de confiscation desdits livres et amende arbitraire comme plus à plein est contenu es lettre de privilège données à PAris, le seizième jour de juin 1561,

Par le Conseil, DE COURLAY.


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Notes

[1] Voiser : Se divertir, s'amuser.

[2] Marâtre : Mauvaise mère. Ce n'est pas une mère, c'est une marâtre. Ici, sens figuré et adjectivé.

[3] Ne : ancienne forme de ni.

[4] Proronotaire : Officier de Cour de Rome qui a un degré de prééminence fur les autres Notaires. [F]

[5] Heur : rencontre avantageuse. (...) [F] [antonyme de malheur]

[6] Archerot : Petit archer, nom donné à Cupidon. [L]

[7] Parfin : fin.

[8] Perdurable : Qui doit durer jusqu'à la fin. [L]

[9] Tardement : Action de tarder. [L]

[10] Vers, 247. Encore est graphié Encor'.

[11] Pécune : Terme vieilli et familier. Argent comptant. [L]

[12] Soudard : Terme familier. Homme qui a longtemps servi à la guerre et qui en a les habitudes ; il se prend en mauvaise part, soit par moquerie, soit pour exprimer la grossièreté ou la barbarie. [L]

[13] Journelle : de journée, quotidienne.

[14] Repasser : Après être allé d'un lieu à un autre, revenir de celui-ci au premier. [L]

[15] Emmaler : Mis dans une malle, enfermé.

[16] Emoucher : Chasser les mouches. Par extension, battre, comme si les coups étaient donnés pour chasser les mouches. [L]

[17] Ivoirine : Qui est d'ivoire ou qui est semblable à l'ivoire [L]

[18] Nonpareil : Qui est sans pareil. [L]

[19] Besognette : On lit besongnette. Probablement diminutif de besongne, petit travail, tâche.

[20] Gaudisseur : Celui, celle qui aime à se gaudir. Terme familier et qui commence à vieillir. Se réjouir. [L]

[21] Babiller : Parler beaucoup, facilement, et surtout pour le seul plaisir de parler. [L]

[22] Huis : Terme vieilli qui signifie porte. [L]

[23] Affeté : Qui a de l'afféterie ; qui marque de l'afféterie. Recherche mignarde dans les manières ou dans le langage. [L]

[24] Déchassé : parti.

[25] Feintise : Habitude de la feinte. Synonyme de feinte, avec cette seule nuance que feintise vieillit et qu'il a un air archaïque. [L]

[26] Soulas : Terme vieilli. Soulagement, consolation, joie, plaisir. [L]

[27] Amorce : Fig. Tout ce qui fait mordre à, tout ce qui attire. [L]

[28] Fol : fou.

[29] Par_le_corps_bieu : juron.

[30] Rets : Filet pour prendre du poisson, du gibier. [L]

[31] Bordeau : Vieux pour bordel ; lieu de prostitution.

[32] Maquerelle : Terme qui ne se dit pas en bonne compagnie. Celui, celle qui fait métier de débaucher et de prostituer des femmes ou des filles. [L]

[33] Deviser : Échanger avec quelqu'un de menus propos. [L] Ici substantivé.

[34] Boulrellerie : Le métier, le commerce du bourrelier : ouvrier qui fait et vend des harnais. [L]

[35] Époindre : Terme vieilli. Faire sentir un aiguillon, un désir. [L]

[36] Morion : Ancienne armure de tête plus légère que le casque. [L]

[37] Noise : Discorde accompagnée de bruit. [L]

[38] Soudard : Terme familier. Homme qui a longtemps servi à la guerre et qui en a les habitudes ; il se prend en mauvaise part, soit par moquerie, soit pour exprimer la grossièreté ou la barbarie. [L]

[39] Bésasseau : Petit de la bécasse ; oiseau. Fig. et populairement. C'est une bécasse, se dit d'une femme sans esprit. [L]

[40] Armet : Armure de tête. [L]

[41] Pédant : Terme de mépris. Celui qui enseigne aux enfants. Pédant, pédante, celui, celle qui, avec de médiocres lumières et peu de savoir-vivre, prend un air de suffisance, et fait un usage mal entendu de sa doctrine. [L] Le féminin n'est pas requis ci-contre, il permet de faire 8 pieds au vers.

[42] Acravanter : Assomer, accabler. [Ancien français]

[43] Malencontre : Mauvaise rencontre. [L]

[44] Le E de mademoiselle est remplacé par une apostrophe.

[45] Sallette : Petite salle. Désuet.

[46] Bons-hommes : religieux établis l'an 1259, en Angleterre, par le prince Edmond ; ils professaient la règle de Saint Augustin et portaient un habit bleu. [L]

[47] Courtaud : Personne de taille courte et ramassée. [L]

[48] Rechoir : Fig. Retomber dans une même maladie ou dans une même faute. [L]

[49] Au vers 1486, il est écrit anenda, nous préférons ananda pour homogénéiser la graphie dans tout le texte.

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