TRAGÉDIE
M. D. LXI.
AVEC PRIVILÈGE
PAR JACQUES GRÉVIN DE CLERMONT EN BEAUVAISIS.
À PARIS, Pour Vincent Sertenas, demeurant en la rue Notre-Dame, à l'enseigne Saint-Jean-l'Evangéliste, et en sa boutique au Palais, en la galerie par où on va à la Chancellerie. ET Pour Guillaume Barbé rue Saint-Jean de Beauvais, devant le Béllérophon.
Représentée pour la première fois en 6 février 1658 au Collège de Beauvais.
Texte établi par Paul FIEVRE, novembre 2020
Publié par Paul FIEVRE, décembre 2020
© Théâtre classique - Version du texte du 30/06/2024 à 10:55:52.
AU LECTEUR
La liberté des poètes comiques a toujours été telle, que souventes fois ils ont usé de mots assez grossiers, de sentences et manières de parler rejetées de la boutique des mieux disants, ou de ceux qui pensent mieux dire : ce que par aventure l'on pourra trouver lisant mes Comédies. Mais pourtant il ne se faut renfrogner, car il n'est pas ici question de farder la langue d'un mercadant, d'un serviteur ou d'une chambrière, et moins orner le langage du vulgaire, lequel a plutôt dit un mot que pensé. Seulement le Comique se propose de représenter la vérité et naïveté de sa langue, comme les moeurs, les conditions et les états de ceux qu'il met en jeu : sans toutefois faire tort à sa pureté, laquelle est plutôt entre le vulgaire (je dis si l'on change quelques mots qui ressentent leur terroir) qu'entre ces courtisans, qui pensent avoir fait un beau coup, quand ils ont arraché la peau de quelque mot Latin, pour déguiser le Français, qui n'a aucune grâce (disent-ils), s'il ne donne à songer aux femmes, comme s'ils prenaient plaisir de n'être point entendus. Tu ne trouveras donc étrange, Lecteur, si en ces Comédies tu ne trouves un langage recherché curieusement, et enrichi des plumes d'autrui : car je ne suis point de ceux qui font parler un cuisinier des choses célestes et descriptions des temps et des saisons, ou bien une simple chambrière française des amours de Jupiter avec Léda, et des vaillantises d'Alexandre le Grand. Je me contente seulement de donner aux Français la Comédie en telle pureté qu'anciennement l'ont baillée Aristophane aux Grecs, Plaute et Térence aux Romains. Ce que je me suis proposé toujours en écrivant ce poème, ainsi qu'ont pu apercevoir ceux qui ont vu la Maubertine première Comédie que je mis en jeu, et que j'avais bien délibéré te donner, si elle ne m'eût été dérobée. Toutefois celles-ci pourront suffire pour montrez le chemin à ceux qui viendront après nous. Tu peux donc, maintenant, ami Lecteur, averti de ce point, te mettre à lire ce poème ; et si tu trouves quelque chose qui ne soit à ton goût, souvienne toi que ce n'est chose étrange, si ceux qui vont les premiers en un désert et pays inconnu se fourvoient souventes fois de leur chemin.
ENTREPARLEURS
LOYS, gentilhomme.
RICHARD, serviteur.
LE TRÉSORIER.
MARIE, fille de la Trésorière.
LE PROTONOTAIRE.
BONIFACE, serviteur.
CONSTANTE, trésorière.
SULPICE, marchand.
THOMAS, serviteur.
AVANT-JEU
CETTE COMÉDIE FUT FAITE PAR LE COMMANDEMENT DU ROI HENRI II POUR SERVIR AUX NOCES DE MADAME CLAUDE DUCHESSE DE LORRAINE, MAIS POUR QUELQUES EMPÊCHEMENTS DIFFÉRÉE : ET DEPUIS MISE EN JEU À PARIS AU COLLÈGE DE BEAUVAIS, APRÈS LA SATIRE QU'ON APPELLE COMMUNÉMENT LES VEAUX, LE V FÉVRIER, M. D. LVIII.
LE PROLOGUE
Non, ce n'est pas de nous qu'il faut,
Pour accomplir cet échafaud,
Attendre les farces prisées
Qu'on a toujours moralisées :
5 | Car ce n'est notre intention |
De mêler la religion
Dans le sujet des choses feintes.
Aussi jamais les lettres Saintes
Ne furent données de Dieu,
10 | Pour en faire après quelque jeu. |
Et puis tout' ces farces badines
Me semblent être trop indignes
Pour être mises au devant
Des yeux d'un homme plus savant.
15 | Celui donc qui voudra complaire |
Tant seulement au populaire,
Celui choisira les erreurs
Des plus ignorants bateleurs :
Il introduira la Nature,
20 | Le Genre-humain, l'Agriculture, |
Un Tout, un Rien, et un Chacun,
Le Faux-parler, le Bruit-commun,
Et telles choses qu'ignorance
Jadis mêla parmi la France.
25 | Que pourrons-nous donc inventer |
Afin de chacun contenter ?
Quoi ? Le badinage inutile
Par qui quelquefois Martin-Ville
Se fit écouter de son temps ?
30 | Quoi ? Demandez vous ces romans |
Jouez d'une aussi sotte grâce
Que sotte est cette populace
De qui tous seuls ils sont prisés,
Vous êtes bien mieux avisés,
35 | Comme je crois : votre présence |
Mérite avoir la jouissance
D'un discours qui soit mieux limé.
Aussi avons-nous estimé
Que la gentille poésie
40 | Veut une matière choisie, |
Digne d'être mise aux écrits
De ceux qui ont meilleurs esprits
Et non pour être ainsi souillée,
Ou en mille parts détaillée
45 | Par ceux qui encore ne l'ont pas |
Saluée du premier pas :
Et qui pensent malgré Minerve
La retenir ainsi que serve,
Ou dans l'escale la lier
50 | Ainsi qu'un petit écolier. |
Non, non, ce n'est pas sa nature
Qu'elle s'en voise à l'aventure [ 1 Voiser : Se divertir, s'amuser.]
Vers celui qui la veut avoir.
Il faut premièrement savoir
55 | Petit-à-petit sa pensée : |
Car elle ne veut être forcée,
Ni traitée, comme souvent
Nous l'avons vue auparavant
Au joug d'une plume marâtre. [ 2 Marâtre : Mauvaise mère. Ce n'est pas une mère, c'est une marâtre. Ici, sens figuré et adjectivé.]
60 | N'attendez donc en ce Théâtre |
Ne farce, ne moralité : [ 3 Ne : ancienne forme de ni.]
Mais seulement l'antiquité,
Qui d'une face plus hardie
Se représente en Comédie :
65 | Car onc je ne pourrai penser, |
Qu'aucun se voulût courroucer
Encontre nous, si pour mieux faire
Nous voulons aux doctes complaire.
Or sachez qu'en tout ce discours,
70 | Nous représentons les amours |
Et la finesse coutumière
D'une gentille trésorière,
Dont le métier est découvert
Non loin de la place Maubert.
75 | Vrai est que le Protonotaire, [ 4 Proronotaire : Officier de Cour de Rome qui a un degré de prééminence fur les autres Notaires. [F]] |
Principal de toute cette affaire
Est de notre université.
Mais j'ai un peu trop arrêté,
Il vaut mieux avec le silence
80 | Vous en donner la jouissance. |
ACTE I
SCÈNE I.
Loys, Richard.
LOYS.
Et bien Richard, quelle nouvelle
Apportes-tu de ma cruelle ?
Veut-elle doncque être toujours
Ainsi peureuse en ses amours ?
RICHARD.
85 | Monsieur, je crois que la pauvrette |
Sans aucun repos vous souhaite
Entre ses bras ; voulez-vous mieux ?
LOYS.
Je pense, moi, que tous les Dieux
Prennent plaisir en mon martyre :
90 | Incessamment mon mal empire, |
Sans toutefois avoir cet heur [ 5 Heur : rencontre avantageuse. (...) [F] [antonyme de malheur]]
D'apaiser mon amour vainqueur.
RICHARD.
Non non, Monsieur, j'ai espérance
Que vous en aurez jouissance
95 | En peu de temps. Laissez moi faire, |
C'est mon office, dont j'espère
En faire si bien mon devoir.
LOYS.
Oui, mais toujours le vain espoir
Trompe ma trop grande constance
100 | Au milieu de mon impuissance. |
RICHARD.
Vraiment une telle beauté
A bien un amant mérité :
Et d'autant qu'êtes languissant,
D'autant quand serez jouissant
105 | Le plaisir sera désirable. |
LOYS.
Mais toujours pauvre misérable
Le jour je me mourrai cent fois
Pour son amour, et toutefois
Déjà je prévois que l'issue
110 | Sera de quelque maigre vue. |
Cela ne vient point que ma race
Ne fut digne d'avoir la grâce
D'une dame de plus haut lieu :
C'est, c'est bien plutôt quelque dieu
115 | Qui me cachait dedans son sein |
L'impuissance de mon dessein.
RICHARD.
Monsieur, je me tiendrais heureux
De mourir étant amoureux
D'une si parfaite beauté.
LOYS.
120 | Richard, Richard, la cruauté |
De cet archerot qui me dompte [ 6 Archerot : Petit archer, nom donné à Cupidon. [L]]
Selon son fier désir, surmonte
L'extrême douleur de la mort.
RICHARD.
Nous sommes en cela d'accord :
125 | Mais à cette longue espérance |
Opposez votre jouissance.
LOYS.
Encore, Richard, je t'assure
Que tout le malheur que j'endure
N'est rien, si tu peux faire tant
130 | Qu'en la parfin je sois content. [ 7 Parfin : fin.] |
RICHARD.
Ce n'est pas moi qu'il faut prier :
Il ne tient qu'à ce trésorier.
LOYS.
Le mari est-il averti ?
RICHARD.
Non, non, mais il n'est pas parti
135 | Ainsi qu'elle pensait. |
LOYS.
Comment ? |
RICHARD.
Pour s'en aller faire un paiement
En Languedoc. Lui délogé,
Votre malheur sera changé
En un perdurable plaisir : [ 8 Perdurable : Qui doit durer jusqu'à la fin. [L]]
140 | Car alors vous aurez loisir |
De recouvrer le temps perdu.
Si avez longtemps attendu,
Reprenez hardiment courage.
LOYS.
Ha, Richard, pourquoi d'avantage
145 | As-tu celé mon doux repos ? |
RICHARD.
Il ne venait pas à propos :
Encore votre joie augmente
De plus en plus par cette attente.
Et si je m'en rapporte à vous,
150 | Si vous ne trouvez pas plus doux |
Le plaisir, par le tardement, [ 9 Tardement : Action de tarder. [L]]
Que n'eussiez au commencement.
LOYS.
Vraiment, Richard, pour ton devoir
Tu mérites de recevoir
155 | D'un plus grand seigneur le loyer. |
RICHARD.
Monsieur, il ne faut qu'employer
Richard, quand il est question
De conduire une faction ;
Ainsi le serviteur doit faire,
160 | Pour à son bon maître complaire, |
Le devoir, comme il appartient,
Jusques à la mort, s'il convient
L'endurer pour l'amour de lui.
LOYS.
Mais dis, Richard, est-ce aujourd'hui
165 | Que notre trésorier se part ? |
RICHARD.
Penseriez-vous bien que Richard
Vous le dit s'il n'était ainsi ?
Vie, mettez-moi tout souci
Sous le pied.
LOYS.
Mais ce Trésorier
170 | Me doit encore mon quartier : |
Il faut que tu sois diligent
De recouvrer tout cet argent
Avant qu'il parte : et qui plus est,
Je lui paierai son intérêt,
175 | S'il veut faire du rigoureux : |
Car à ces braves glorieux
Il faut quitter une moitié
Pour avoir l'autre
RICHARD.
L'amitié
Vaut bien cela, c'est pour l'usage
180 | De son ennuyeux cocuage. |
LOYS.
Va-t'en vers lui, voilà quittance :
Que s'il veut faire quelque avance,
Promets lui le vin hardiment.
RICHARD.
Je m'y en vais.
LOYS.
Pareillement,
185 | Fais les recommandations |
De mes journelles passions
À ma damoiselle et maîtresse :
Que si de ma longue détresse
Elle a quelque compassion,
190 | Qu'elle me donne assignation |
Pour par un doux contentement
Mettre la fin à mon tourment.
RICHARD, seul.
Mon maître a bien ce qu'il lui faut,
Encore qu'il ait le coeur haut ;
195 | Et qu'il ne veuille être dompté, |
Si est-ce qu'il est surmonté
Par une femme aussi commune
Que les divers cours de la Lune.
Elle peut tant envers mon maître,
200 | Que par babil elle l'a fait être |
Un parangon de pauvreté :
Et sous l'ombre d'une beauté
Qu'elle vend plus cher qu'au marché,
Elle lui a jà arraché
205 | Les biens, l'honneur et les amis : |
C'est une mer, où il a mis
Mille trésors qu'elle dévore,
Sans les regorger : et encore
Qu'il lui donne tant qu'il voudra,
210 | De rien plus il n'en adviendra |
À mon maître qu'elle déçoit,
Ni à elle qui le reçoit.
Et cependant, mille langueurs,
Et dix mille amoureux vainqueurs
215 | Tourmentant son coeur attisé, |
Je pensais qu'il fut plus rusé,
Vu qu'il a tant hanté les armes,
Les courtisans et les gendarmes :
Mais les plus fins y sont trompés,
220 | Et les plus légers attrapés, |
Tant seulement sous l'apparence
D'une légère jouissance.
Encore si pour sa beauté
Elle valait le décrotté,
225 | Je dirais : mais quoi ? Seulement |
La façon de l'habillement
Vaut autant que la bague entière.
Et bien, c'est une trésorière,
Laquelle par son doux parler
230 | Sait bien un homme emmieler. |
Mais par ma foi j'estime autant
Ma Marion, et suis content
Encore plus de mes amours
Que non pas lui de son velours,
235 | Sans qu'il me la faille prier. |
Mais n'est-ce pas mon trésorier
Que je vois venir droit à moi ?
SCÈNE II.
Le Trésorier, Richard.
LE TRÉSORIER.
Puisque c'est l'affaire du Roi
Je ne diffère m'absenter,
240 | Afin d'un chacun contenter : |
Le gain récompense le mal.
Qu'on fasse seller mon cheval.
RICHARD.
Tant mieux il est prêt de partir ;
La dame pourra départir
245 | La jouissance de son corps, |
Puisque Monsieur s'en va dehors.
LE TRÉSORIER.
Encore ai-je quelque douleur [ 10 Vers, 247. Encore est graphié Encor'.]
De laisser ma femme en sa fleur :
Car, las ! Cette tendre jeunesse
250 | Ne pourra porter la détresse |
De mon absence : et puis ces gens
Qui sont soigneux et diligents
À tromper une créature,
Qui sera simple de nature ;
255 | Vrai, que je tiens tant de ma femme, |
Qu'avant me faire un cas infâme
Plutôt endurerait la mort.
RICHARD.
Hélas, jamais ne lui fit tort,
Elle est de bonne parenté.
LE TRÉSORIER.
260 | Pensez qu'un homme est tourmenté, |
Depuis qu'il lui convient souvent
Aller à la pluie et au vent.
Délaissant avec le ménage
La femme en la fleur de son âge.
RICHARD.
265 | Le coeur lui faut, la conscience |
Lui fait connaître son offense.
LE TRÉSORIER.
Il ne m'est rien plus agréable
Qu'avec ma femme désirable
Jouir du bien que Dieu me donne.
270 | Mais quoi ? La pratique en est bonne : |
Car je pourrai, si je suis sage,
Pratiquer en ce mien voyage
Trois mille francs en peu de jours.
RICHARD.
Cependant comment les amours
275 | Se demerront, la damoiselle |
Ne sera du tout si rebelle
Qu'auparavant : car le loisir
Lui fera mille fois choisir
Le bon moyen, l'heure et le temps
280 | Pour rendre ses amis contents, |
Tant le courtisan que son page.
Mais il faut faire mon message,
Craignant qu'en quelque coin de rue
Je ne le perde de la vue :
285 | Puis je pourrais venir trop tard. |
Dieu gard' monsieur.
LE TRÉSORIER, apercevant Richard.
Et bien Richard,
Comment va du seigneur Loys ?
RICHARD.
Il a toujours dix mille ennuis
Qui le tourmentent, pour autant
290 | Qu'il n'a pas son argent content, |
Et si ne voit qui en apporte.
Et qui pis est, jamais sa porte
N'est sans un marchand ennuyeux,
Qui se présentant à ses yeux
295 | Le menace pour son argent |
De lui envoyer un sergent.
LE TRÉSORIER.
Richard, par Dieu c'est comme moi,
Car maintenant je ne reçois
À peine rien de mon office.
300 | Encore pour faire service |
À quelques uns, toujours j'avance,
Et si ma foi, la récompense
Que j'en reçois, n'est comme rien.
RICHARD.
Vertubieu : je vous entends bien,
305 | Le paiement n'est encore prêt, |
Nous demandons un intérêt,
Voilà comment vous êtes doux.
Je suis venu par devers vous
Pour entendre tant seulement
310 | Si mon maître aura le paiement |
De son quartier que lui devez.
LE TRÉSORIER.
Vous êtes fort mal arrivés,
Vous venez après la bataille
Je ne sache pas une maille.
RICHARD.
315 | Comment, monsieur ? Et cependant |
Mon maître sera attendant
Votre retour ?
LE TRÉSORIER.
Il le faut bien.
RICHARD.
Mais, Monsieur, pensez-vous combien
Ce lui est chose insupportable
320 | D'être si longtemps redevable |
À un tas de gens importuns ?
LE TRÉSORIER.
Vraiment Richard, je sais aucuns
Qui m'ont voulu donner le quart
De leur paiement.
RICHARD.
Ma foi, Richard,
325 | N'a point telle commission : |
Pour donner une portion
De l'argent, il le fera bien.
LE TRÉSORIER.
C'est bien parlé : viens ça, combien
Veut-il donner pour l'intérêt,
330 | S'il trouve son argent tout prêt ? |
Quant est de moi, je ne l'ai pas :
Mais il n'y a que quatre pas
Jusqu'au logis d'un mien ami.
RICHARD, à part.
Le Trésorier n'est endormi,
335 | Se voyant en main la fortune; |
De pouvoir gagner la pécune. [ 11 Pécune : Terme vieilli et familier. Argent comptant. [L]]
LE TRÉSORIER.
Que dis-tu Richard ?
RICHARD, haut.
Je songeais,
En comptant ci-dessus mes doigts,
Combien il voudrait bien donner.
LE TRÉSORIER.
340 | Je ne pourrai plus séjourner. |
RICHARD.
De trois cents livres vingt écus.
LE TRÉSORIER.
Ha vraiment il mérite plus.
Voudrait-il bien en donner trente ?
RICHARD.
Pour vingt et cinq, qu'il se contente :
345 | Je vous ferai récompenser, |
Si voulez encor avancer.
LE TRÉSORIER.
Je le veux à même profit :
Aussi je voudrai qu'il me fit
Quittance des paiements entiers
350 | Qu'il recevra des deux quartiers. |
RICHARD.
Vous les aurez.
LE TRÉSORIER.
Mais il ne faut
Aussi m'en faire aucun défaut.
Car je veux partir dans une heure :
Pourquoi soyez en mon demeure
355 | Incontinent. |
RICHARD, seul.
C'est bien assez. |
Jamais ils ne seront lassés
De prendre argent de toutes parts :
Il n'est pas des pauvres soudards [ 12 Soudard : Terme familier. Homme qui a longtemps servi à la guerre et qui en a les habitudes ; il se prend en mauvaise part, soit par moquerie, soit pour exprimer la grossièreté ou la barbarie. [L]]
Desquels ces braves trésoriers
360 | N'attirent tous jours les deniers : |
Mais au besoin il se faut taire.
Il sort.
SCÈNE III.
Marie, Richard.
MARIE.
Dieu, Monsieur le Protonotaire
Est négligent en ses amours.
J'ai vu le temps que tous les jours ;
365 | Il passait devant la maison |
Cinquante fois, mais la saison
Comme je crois lui est venue,
Qu'il ne va plus parmi la rue :
Pensez qu'il est devenu sage.
RICHARD, à part.
370 | Si je joue mon personnage, |
Je saurai d'elle tout' l'affaire
De ce jeune Protonotaire.
MARIE.
Nous fuyons toujours notre bien,
Jamais, jamais à un bon chien
375 | Ne tombera quelque bon os : |
Après qu'ils ont tourné le dos,
Ils font les meilleures risées
De celles qu'ils ont abusées.
RICHARD.
Les plus rusés y sont donc pris.
MARIE.
380 | Quant ils ont l'amour entrepris |
De quelque dame, à Dieu comment
S'ils en ont eu contentement.
RICHARD.
Autant ailleurs c'est ma devise.
MARIE.
Voilà mademoiselle éprise
385 | De l'amour d'un jeune écolier, |
Qui n'a le sou pour employer,
Et veut être aimé à crédit.
RICHARD, à part.
Ne l'avais-je donc pas bien dit ?
MARIE.
Le seigneur Loys cependant
390 | Est à son amour prétendant, |
Sans toutefois avoir cet heur
D'apaiser sa trop grande ardeur,
Si n'est de quelque vaine course;
Lui qui a plus d'écus en bourse
395 | Que l'autre n'a pas de deniers. |
Mais voilà comment les derniers
Seront toujours favorisés,
Et les plus fermes déprisés.
RICHARD.
J'entends le noeud de la matière,
400 | Il se faut garder du derrière; |
MARIE, apercevant Richard.
Voici Richard le serviteur
Du seigneur Loys ; j'ai grand peur
Qu'il n'ait entendu ce qu'ai dit;
Au pis, j'en ferai contredit.
405 | Mon Dieu, Richard, venez avant. |
RICHARD.
Que faites-vous ici devant ?
MARIE.
Rien, sinon que ma damoiselle
Veut parler à vous.
RICHARD.
Que veut-elle ?
MARIE.
Quant à moi, je ne le sais pas,
410 | Elle est jà descendue en bas. |
ACTE II
SCÈNE I.
Le Protonotaire, Boxiface.
LE PROTONOTAIRE.
Hé, Boniface, mon ami,
Je suis déjà mort à demi,
Tant ce petit Dieu me tourmente.
Ha, ma trop cruelle Constante !
415 | La grand' constance de ton sort, |
Seule me causera la mort.
BONIFACE.
Comment cela, Monsieur ? Vous ai-je
Si longtemps servi au collège
Pour maintenant vous défier
420 | De votre serviteur, premier |
Qui en a mis les fers au feu ?
LE PROTONOTAIRE.
Hélas, Boniface ! pour Dieu
Si jamais la fidélité
De ton devoir m'a incité
425 | À récompenser ton service, |
Comme je dois, de mon office,
C'est ores qu'il te faut prévoir
Au mal instant du désespoir,
Et montrer ton invention.
BONIFACE.
430 | Je sais bien qu'il n'est question |
Que d'argent, dont avez défaut :
Car le temps est venu qu'il faut
Toujours avoir argent en banque,
Qui veut que la dame ne manque.
LE PROTONOTAIRE.
435 | Il est vrai : car tout mon tourment |
Vient de cela, tant seulement,
Tu sais que nous n'avons la croix
Encore qu'il y ait trois mois
Avant que recevoir argent.
BONIFACE.
440 | Vous êtes par trop diligent |
A faire la magnificence,
Depuis qu'avez la jouissance
De quarante ou cinquante écus.
LE PROTONOTAIRE.
Boniface, je ne suis plus
445 | Enfant comme je soulais être. |
BONIFACE.
Il faut que vous soyez le maître
Dorénavant des passions
De vos journelles actions. [ 13 Journelle : de journée, quotidienne.]
LE PROTONOTAIRE.
Je le serai. Mais penses-tu
450 | Combien est grande sa vertu, |
Et combien sa perfection
Peut dompter mon affection ?
BONIFACE.
Nous voyons cela tous les jours :
Ce sont vos premières amours.
LE PROTONOTAIRE.
455 | Ce n'est point cela, Boniface : |
Tant seulement sa bonne grâce,
Son doux parler et son maintien,
Sans rien flatter méritent bien
L'amour d'un bien plus grand seigneur.
BONIFACE.
460 | Voilà, vous y avez le coeur : |
Non pas vraiment que je déprise,
Disant cela, votre entreprise :
Mais il ne faut être si chaud
En ses affaires.
LE PROTONOTAIRE.
Son coeur haut
465 | Mérite un plus parfait service. |
BONIFACE.
Mais si l'argent du bénéfice
Ne suffit à telle dépense ?
LE PROTONOTAIRE.
Il faut aimer en espérance ;
Il nous viendra quelque hasard.
BONIFACE.
470 | Oui bien, mais possible trop tard ; |
Il faut prévoir à son affaire.
LE PROTONOTAIRE.
Encore le bien de mon père
Ne manquera point.
BONIFACE.
Il ne pense
Que nous fassions si grand dépense.
LE PROTONOTAIRE.
475 | Ha, je veux être entretenu |
Honnêtement du revenu
Qui m'appartient.
BONIFACE.
C'est la raison :
Car vous êtes d'une maison
Qui le mérite : mais aussi
480 | Il faut avoir des siens souci. |
LE PROTONOTAIRE.
Or, Boniface, il n'est pas heure
De faire plus longue demeure,
Nous avons métier d'autre chose.
BONIFACE.
Je l'entends.
LE PROTONOTAIRE.
Dont je me repose
485 | Du tout sur toi. |
BONIFACE.
Je ferai tant |
Que nous aurons argent comptant.
LE PROTONOTAIRE.
J'aime mieux payer l'intérêt,
Pourvu que le paiement soit prêt.
BONIFACE.
Je vous prie laissez faire à moi.
LE PROTONOTAIRE.
490 | Aussi je m'en attends à toi. |
BONIFACE.
Vous le pouvez, allez m'attendre
Dans le palais, j'irai vous prendre
Au repasser. [ 14 Repasser : Après être allé d'un lieu à un autre, revenir de celui-ci au premier. [L]]
LE PROTONOTAIRE.
Le Secrétaire
M'y doit trouver pour quelque affaire.
SCÈNE II.
Constante, Richard, Boniface.
CONSTANTE.
495 | Richard mon ami, dites lui |
Que j'en endure autant d'ennui
Qu'il m'est possible, et que j'espère,
Mais qu'il soit parti, si bien faire
Qu'il sera content du devoir
500 | Que j'en ferai. |
BONIFACE, à part.
Il faut savoir |
Que veut ce doux contentement.
RICHARD.
Vous n'en voulez foi ne serment,
Mais il vous aime de tel coeur.
Que déjà son amour vainqueur
505 | L'a presque mis au désespoir. |
CONSTANTE.
Las, Richard, il a tout pouvoir
Sur moi qui suis sienne, et j'espère,
S'il me survient en mon affaire,
Le reconnaître tant que l'âme
510 | Me batte au corps. |
BONIFACE, à part.
La pauvre femme |
Ne se donne qu'à ses amis :
J'entends bien tout, elle a commis
Quelque petite portion
De l'amoureuse affection
515 | Sur la bourse d'un amoureux. |
RICHARD.
Mademoiselle, il est heureux
De ce qu'il vous plaît demander
La chose qu'il peut accorder.
CONSTANTE.
Et bien, Richard, vous lui direz
520 | Que je suis sienne, et le prierez |
De ce dont je vous ai parlé.
BONIFACE, à part.
Voilà le paquet emmalé, [ 15 Emmaler : Mis dans une malle, enfermé.]
Mon maître peut bien dire à Dieu.
RICHARD.
Je ne puis plus être en ce lieu,
525 | Je vais quérir l'autre quittance. |
BONIFACE, à part.
Si est-ce que j'ai espérance
D'émoucher quelque argent de vous. [ 16 Emoucher : Chasser les mouches. Par extension, battre, comme si les coups étaient donnés pour chasser les mouches. [L]]
CONSTANTE.
Haut, Boniface, un peu plus doux,
Quelqu'un vous fait-il déplaisir ?
BONIFACE, à part.
530 | Il la faut avoir à loisir. |
À Constante.
Ha, mademoiselle Constante.
CONSTANTE.
Quel est l'ennui qui vous tourmente ?
N'y saurait-on bientôt prévoir ?
Il est grand seigneur, qui peut voir
535 | Monseigneur le Protonotaire. |
BONIFACE.
Il est empêché d'un affaire
Qui est de bien grande importance,
En quoi il a bonne espérance
De parvenir à grand honneur.
CONSTANTE.
540 | Et bien, bien, ce sera Monsieur, |
Il ne voudra plus regarder
Ses amis.
BONIFACE, à part.
Tant elle sait farder
Et emmieller son langage !
CONSTANTE.
Bon Dieu, que vous êtes sauvage
545 | Depuis un peu ! |
BONIFACE.
C'est que je pense |
À une bonne récompense
Qu'on donne pour son bénéfice,
Si quelqu'un veut faire un service
De lui prêter deux cents écus.
CONSTANTE.
550 | Ne lui en faudrait-il non plus ? |
BONIFACE.
Non.
CONSTANTE.
N'a-t-il point quelque amitié
Dedans Paris, pour la moitié ?
BONIFACE.
Non du tout, oui bien pour cinquante.
CONSTANTE.
Ha, vraiment je suis très contente
555 | De lui prêter le demeurant, |
Du bon du coeur, en m'assurant.
BONIFACE.
Mademoiselle, le plaisir
Sera selon votre désir
Honnêtement récompensé.
CONSTANTE.
560 | À son vouloir. |
BONIFACE.
J'ai avancé |
Ma langue, sans son mandement.
CONSTANTE.
Vous le pouvez honnêtement :
Car je suis si bien son amie,
Que s'il me demandait la vie
565 | Je lui départirais mon âme, |
BONIFACE.
Tant le bon vouloir d'une dame
Peut aider l'ami au besoin.
CONSTANTE.
Boniface, j'ai plus de soin
De l'avancement de son bien
570 | Et honneur, que non pas du mien, |
Encore que j'en soi reprise ;
Mais je suis tellement éprise
De son amour, que j'ai grand peur
Que ce soit mon dernier malheur.
575 | Au pis aller, je suis heureuse |
Que cette étincelle amoureuse
A touché sa perfection.
BONIFACE.
Ce n'est qu'a bonne intention
Mademoiselle, et le tourment
580 | Se finira heureusement. |
CONSTANTE.
Je prie Dieu qu'il vous veuille ouïr.
BONIFACE.
Et allez vous pourrez jouir,
Vous savez quoi.
CONSTANTE.
Ha ! Boniface.
BONIFACE.
Mademoiselle, votre grâce,
585 | Et votre parfaite beauté |
Seule vainquit sa liberté :
Car plus il vit en ce martyre,
Tant plus constamment il aspire
À faire chose qui contente
590 | Le seul désir de sa Constante. |
CONSTANTE.
Écoutez, je vous veux prier,
À cause que le Trésorier
S'apprête pour tantôt partir,
D'en vouloir Monsieur avertir,
595 | Qu'il soit un peu plus diligent : |
Et cependant, voilà l'argent,
Il m'en fera reconnaissance
Quand il viendra.
BONIFACE.
J'ai espérance
Qu'avant qu'il soit une bonne heure
600 | Il sera dans votre demeure. |
À part.
Vive, vive l'invention
Pour bien faire ma faction :
Il en faut bien faire la croix
En notre âtre : ils sont tous de poids,
605 | Je les ai eus tous pour le prix |
Que cette dame les a pris.
Je reconnais bien celui-ci,
Et ce double ducat aussi,
Un noble, un angelot encor :
610 | C'était pour des bracelets d'or |
Que Monsieur lui donna un jour.
Ce demeurant vient de l'amour
Des bonnes gens de son quartier.
A tous les diables le métier,
615 | Oui ne nourrit et entretient |
Le compagnon qui le maintient,
Et ne fut qu'un peigne de buis.
CONSTANTE, à part.
Au moins si le seigneur Loys
Me fait ce bien, dont je le prie,
620 | Ma bourse sera bien remplie |
De l'argent que j'ai déboursé.
SCÈNE III.
Le Trésorier, Sulpice, Constante.
LE TRÉSORIER.
Croyez qu'un argent avancé
Vaut bien cela.
SULPICE.
Si fait vraiment
Et je m'ébahi fort comment
625 | Vous faites si honnête tour. |
LE TRÉSORIER.
Sire Sulpice, c'est l'amour
Que je lui porte.
SULPICE.
Il le vaut bien.
Et puis de ces gens l'entretien
Sert de beaucoup aucune fois.
630 | Il me souvient qu'un jour j'étais |
En la court pour un mien affaire,
Seulement un protonotaire
Auquel j'avais fait du service
Fit tout mon cas.
LE TRÉSORIER.
Sire Sulpice,
635 | Comme vous dites, le maintien |
De gens de Cour, est notre bien.
Je crains que nos fautes commises
À la parfin ne soient reprises,
Comme nous voyons la fortune
640 | Être plus souvent importune |
À gens qui sont en tel degré,
Qui n'ont toujours le vent à gré :
Il ne faudrait au mal extrême
Que ce bon gentilhomme même
645 | Pour bien conduire mon affaire, |
S'il m'advenait quelque misère.
SULPICE.
Vous dites bien, il faut prévoir
Au mal qui nous peut décevoir.
C'est ainsi qu'il faut disposer,
650 | C'est ainsi qu'il faut aviser |
À un malheur qui se présente
Pour brouiller toujours notre attente,
Tant nature nous est cruelle.
Mais n'est-ce pas Mademoiselle
655 | Que je vois venir droit à nous ? |
CONSTANTE.
Mon Dieu, Monsieur, dépêchez-vous,
Vous savez qu'il est déjà tard.
LE TRÉSORIER.
Je n'attends plus qu'après Richard.
CONSTANTE.
Hélas mon Dieu ! La seule peur
660 | Qu'il ne vous advienne un malheur |
Me le fait dire, tous les champs
Sont remplis de mauvaises gens :
Surtout gardez vous bien du soir.
SULPICE.
Encore y fait il bon prévoir,
665 | Cela ne vient que de bon coeur. |
LE TRÉSORIER.
Si vous voyez le serviteur
Du seigneur Loys, que Marie
L'amène après nous.
CONSTANTE.
Je vous prie
De tôt dépêcher votre affaire.
SCÈNE IV.
MARIE, seule.
670 | L'homme de ce Protonotaire |
N'est pas des plus niais du monde :
Quand il est céans, il me sonde,
Et semble bien à l'ouïr dire
Qu'il ait intention de rire
675 | Tout ainsi comme fait son maître : |
Et crois que s'il se sentait être
Si peu que rien favorisé,
Il serait bien assez rusé
D'essayer s'il pourrait bien faire
680 | Ce que fait le Protonotaire. |
Je n'userai plus de rudesse
En son endroit, car ma maîtresse
Dit qu'il ne faut point refuser
Ce qui ne se peut onc user.
685 | Aussi est-ce une grand' folie |
Que d'engendrer mélancolie.
Nous n'aurons pas toujours le temps
Pour rendre nos désirs contents.
Il faut donc prendre le loisir,
690 | Puisque nous voyons le plaisir |
S'offrir d'une gaieté de coeur.
Et pourquoi non ? Le serviteur
N'aura-t-il aussi grand' puissance
De me donner la jouissance,
695 | Et rendre l'appétit content |
De ce point que l'on prise tant,
Comme Monsieur à sa Constante ?
Je crois que le mal qui tourmente
L'esprit et mon repos de nuit
700 | Se guérit par même déduit : |
Autant peut le lait que le prêtre,
Et le serviteur que le maître,
Le pauvre, comme un de grand' race.
Mais je ne vois point Boniface
705 | Venir ainsi qu'il a promis. |
ACTE III
SCÈNE I.
LOYS, seul.
Aujourd'hui l'on n'a plus d'amis
Si n'est la bourse et les écus ;
Aujourd'hui l'on ne trouve plus
Qui veuille tenir la querelle
710 | De quelque honnête damoiselle : |
Le gain fait tout, le gain emporte
Les remparts d'une ville forte ;
Le gain fait cocus les maris ;
Le gain est le dieu de Paris ;
715 | C'est le dieu des inventions |
Et la fin des intentions.
Le gain fait courir les marchands
Aux périls et dangers des champs,
Aux périls des vents et tempêtes
720 | Qui plus souvent dessus leurs têtes. |
Tombants d'épouvantable effort,
Leur mettent dans les dents la mort,
Voire au plus beau de leur jeunesse.
Encore qu'il soit tel, si est-ce
725 | Que jamais il n'eut la puissance |
De faire fléchir la constance
De ma Cruelle. De son coeur
Amour en fut le seul vainqueur :
Tant seulement d'une beauté
730 | Son coeur se sentit incité ; |
Il repose aussi en un lieu
Digne du triomphe d'un dieu.
Qu'un dieu tout seul aussi se vante
D'avoir fait broncher ma Constante,
735 | Elle seule, dessous le Ciel, |
Qui mérite avoir l'honneur tel.
L'amour qui le commun enflamme
N'est que neige auprès de ma flamme,
D'autant que sa divinité
740 | Surpasse toute humanité |
Au brasier qu'il m'a fait sentir.
SCÈNE II.
Richard, Loys.
RICHARD.
Monsieur, il est prêt à partir,
Et ne reste plus que quittance
Pour votre dette et pour l'avance :
745 | Car l'argent est déjà tout prêt. |
LOYS.
Combien prend-il pour l'intérêt ?
RICHARD.
Vingt-cinq écus sur le paiement,
Et autant sur l'avancement.
LOYS.
C'est trop vraiment de la moitié.
RICHARD.
750 | Encore si n'était l'amitié |
D'un sien voisin, il ne pourrait
Vous en bailler.
LOYS.
Et ce serait
Un tour duquel la repentance
Suivrait de bien près la vengeance.
755 | Retiendrait-il ainsi mon bien ? |
RICHARD.
Monsieur, encore n'y prend il rien,
C'est un marchand, comme j'ai dit.
LOYS.
Pardieu il a pauvre crédit
À ce prêteur.
RICHARD.
Voilà que c'est :
760 | Les amis sont à intérêt, |
Encore se faut-il hâter.
LOYS.
Or puisqu'il en faut échapper
Voilà l'autre quittance encor'.
RICHARD.
C'est mon, mais de la chaîne d'or
765 | Que demande la damoiselle ? |
LOYS.
Je n'en sache point d'assez belle :
Délivre lui cinquante écus
Pour en acheter une, ou plus,
S'il est métier, la récompense
770 | Que je prétends vaut la dépence : |
Au demeurant hâte le pas.
Il sort.
RICHARD.
Les escadrons et les combats
N'eurent oncque si grand' puissance
Que Monsieur n'y fit résistance :
775 | Et maintenant une beauté |
Triomphe de sa liberté.
Encore vraiment la Damoiselle,
Quand tout est dit, n'est pas si belle :
Toutefois je ne la déprise :
780 | Car on dit que la marchandise |
Qui plaît est à demi vendue.
Je crains que ma voix entendue
Ne soit entrée en la cervelle
De cette rapporte-nouvelle,
785 | Qui m'attend là devant la porte : |
Car vraiment elle est assez sotte
Pour le rapporte à Constante.
SCÈNE III.
Marie, Richard.
MARIE.
Voici Richard qui se tourmente
De quelque malheur advenu.
790 | Son esprit est bien détenu |
À voir sa manière de faire.
RICHARD.
Il faut penser à mon affaire.
Puisque j'approche la maison.
MARIE.
Venez, Richard, c'est la raison
795 | Que si longtemps on vous attende. |
RICHARD.
Et bien, quoi, petite friande ?
Vous serez donc toujours fâcheuse ?
Vous ferez donc la rigoureuse
Au pauvre Richard langoureux ?
800 | Mon Dieu, que je serais heureux, |
Si je pouvais à mon loisir
Avoir de ce sein le plaisir :
Ces deux ivoirines boulettes, [ 17 Ivoirine : Qui est d'ivoire ou qui est semblable à l'ivoire [L]]
Ces deux cerises rondelettes.
805 | Ce sera bien quand vous voudrez. |
MARIE.
Lâchez vos chiens, vous les prendrez,
Car vous êtes le nonpareil. [ 18 Nonpareil : Qui est sans pareil. [L]]
RICHARD.
Si vous êtes de mon conseil
Nous ferons bien nos besognettes. [ 19 Besognette : On lit besongnette. Probablement diminutif de besongne, petit travail, tâche.]
MARIE.
810 | Et mon, Dieu, Richard, que vous êtes |
Ores éveillé pour votre âge !
RICHARD.
Ce n'est sinon que le courage
Qui s'augmente de jour en jour.
MARIE.
Vous voulez donc faire l'amour ?
RICHARD.
815 | Ma foi, Richard se délibère |
Avoir toujours pour l'ordinaire
Quelque chose qui soit de mise.
MARIE.
Voilà une belle entreprise.
RICHARD.
Il m'y faut or' avant prévoir.
MARIE.
820 | Comment ? Il semblerait à voir |
Que vous ne sussiez troubler l'eau.
RICHARD.
L'intention est au cerveau,
Marie, et puis il ne faut pas
Estimer le moine à son pas
825 | Quand il marche dans le couvent. |
MARIE.
Ananda vous êtes savant,
Vous entendez bien cette affaire.
RICHARD.
Je suis niais, laissez moi faire,
Aussi bien n'engendrai-je point.
MARIE.
830 | Richard, Richard, j'entends le point. |
Vous voulez rire, c'est cela.
RICHARD.
Ma foi, me voici, me voilà,
Je ne tiens jamais mon courroux,
Je suis humain, courtois et doux,
835 | Prêt à vous faire tout service, |
À celle fin que je jouisse.
Vous entendez le demeurant.
MARIE.
Sus, sus, Richard : marchez avant :
Monsieur le Trésorier attend
840 | Pour vous donner argent comptant. |
Il est chez le sire Sulpice.
RICHARD.
Prendre argent est un bon office,
Et mauvais d'être fournisseur.
MARIE.
Vous êtes un beau gaudisseur, [ 20 Gaudisseur : Celui, celle qui aime à se gaudir. Terme familier et qui commence à vieillir. Se réjouir. [L]]
845 | Ananda je m'y recommande. |
RICHARD.
Adieu la petite friande.
MARIE.
Il veut ressembler Boniface.
SCÈNE IV.
Constante, Marie.
CONSTANTE.
Viens çà, méchante, quand sera-ce
Que feras ce qu'il appartient ?
850 | Dis. |
MARIE.
Ce n'est pas à moi qu'il tient. |
CONSTANTE.
Que jases-tu en cette place ?
MARIE.
Que voulez-vous si Boniface
Ne se veut d'aventure hâter ?
CONSTANTE.
Qu'as-tu à faire d'arrêter
855 | Le valet du seigneur Loys, |
À babiller devant cet huis [ 22 Huis : Terme vieilli qui signifie porte. [L]] [ 21 Babiller : Parler beaucoup, facilement, et surtout pour le seul plaisir de parler. [L]]
Avec lui ? Vous sentez le coeur :
Encore avec un serviteur.
Saint Jean, le bon ami de Dieu,
860 | Vous irez en un autre lieu |
Faire votre belle menée.
Comment, madame l'affétée [ 23 Affeté : Qui a de l'afféterie ; qui marque de l'afféterie. Recherche mignarde dans les manières ou dans le langage. [L]]
Est-ce l'état que je vous montre ?
Croyez que si je vous rencontre,
865 | Vous maudirez à jamais l'heure |
D'avoir entré en mon demeure.
Marchez, marchez, entrez dedans.
Seule.
Voilà, c'est l'amour de ce temps ;
Aujourd'hui l'on ne voit plus homme
870 | Garder la fidélité, comme |
Les amoureux du temps passé.
Le ferme amour est déchassé. [ 24 Déchassé : parti.]
Et en son lieu une feintise, [ 25 Feintise : Habitude de la feinte. Synonyme de feinte, avec cette seule nuance que feintise vieillit et qu'il a un air archaïque. [L]]
Le seul masque, à sa place prise.
875 | Nous cependant, mal avisées, |
Sommes plus souvent abusées
Par ceux qui ne font que chercher
Le moyen de nous débaucher.
Et voilà comment aujourd'hui
880 | La fin d'amour n'est rien qu'ennui : |
Car des hommes l'outrecuidance
Est cause de cette inconstance
Eux qui tireraient d'une femme
Les biens, l'honneur, le corps et l'âme :
885 | Et puis quand ils ont fait, à Dieu, |
Tout autant en un autre lieu,
Ainsi que fortune leur donne :
Mais en vain je me passionne.
SCÈNE V.
Le Protonotaire, Boniface, Constante.
LE PROTONOTAIRE.
Ma Constante se plaint de moi,
890 | Et m'accuse, comme je crois, |
De ce que je demeure tant
À venir.
CONSTANTE.
Ah ! Trop inconstant !
Et moi trop facile à le croire !
Je pensais le Protonotaire
895 | Être digne d'un plus grand heur : |
Mais je crois que son serviteur
A pris sur lui plus de puissance
Qu'il ne fit onc d'obéissance.
LE PROTONOTAIRE.
Ha Boniface ! Maintenant
900 | J'aperçois que tout ce tourment |
Ne lui vient sinon que de moi.
CONSTANTE.
L'amour donc n'aura plus de loi ?
On n'en fera donc plus de compte ?
LE PROTONOTAIRE.
L'impatience me surmonte,
905 | Je n'en saurais plus endurer. |
CONSTANTE.
Encore qui me fait espérer,
C'est la mort après longue attente.
LE PROTONOTAIRE.
Las ! Que pensez-vous, ma Constante,
En vous menaçant du trépas ?
BONIFACE, à part.
910 | Le voilà pris, il a son cas, |
La dame le tient à son aise.
CONSTANTE.
Hélas ! Monsieur ne vous déplaise,
Je vous pensais être plus loin.
LE PROTONOTAIRE.
Comment, mon coeur ? Comment, mon soin ?
915 | Penseriez-vous bien qu'en amour |
Je voulusse faire un tel tour ?
Vous n'avez expérimenté
Quel vouloir à ma fermeté,
Encore vous n'avez assurance
920 | Quelle est en amour ma constance. |
BONIFACE, à part.
Il en a tout au long du bras.
CONSTANTE.
Pardonnez moi, mon seul soulas, [ 26 Soulas : Terme vieilli. Soulagement, consolation, joie, plaisir. [L]]
L'amour est toujours soupçonneux.
BONIFACE, à part.
C'est l'ordinaire entre amoureux,
925 | Qui fait que la foi se renforce : |
Car c'est d'amour subtile amorce [ 27 Amorce : Fig. Tout ce qui fait mordre à, tout ce qui attire. [L]]
Que les débats de deux amants.
LE PROTONOTAIRE.
La mort puisse mes jeunes ans
Plutôt retrancher en ma fleur,
930 | Que je sois jamais serviteur |
D'une autre dame que de vous.
Jamais l'amour ne me soit doux,
Si par mon infidélité
Je sers à une autre beauté.
935 | Plutôt me laisse tout ami, |
Et plutôt me soit ennemi
L'aspect de mon astre fatal.
BONIFACE, à part.
Il est au plus fort de son mal.
Il n'y a rien dessous les cieux
940 | Ou pire, ou plus audacieux. |
CONSTANTE.
Aussi vous savez, Monseigneur,
Que mon corps et tout mon honneur
Vous fut abandonné par moi
Sur l'assurance de la foi,
945 | Comme seul digne d'être aimé. |
LE PROTONOTAIRE.
Aussi toujours ai-je estimé
Mon heur favorisé des dieux,
Comme celui seul sous les cieux,
Qui est heureux en ses amours.
BONIFACE, à part.
950 | C'est la coutume, on voit toujours |
Ces jeunes gens à marier
Devenir fols. [ 28 Fol : fou.]
LE PROTONOTAIRE.
Le Trésorier.
A-t-il déjà gagné le haut ?
CONSTANTE.
Non pas encore, mais il faut
955 | Entrer céans, et vous cacher : |
Encor faut-il se dépêcher,
Car il n'est pas loin.
LE PROTONOTAIRE.
Mais comment ?
S'il demeurait plus longuement ?
CONSTANTE.
Il est sur le point de partir.
SCÈNE VI.
Richard, Constante.
RICHARD.
960 | Par le corps, j'en veux avertir |
Mon maître, il le saura : comment !
Est-ce là donc le beau serment
De loyauté ? Je m'en doutais,
J'en suis certain à cette fois :
965 | Car de mes deux yeux je l'ai vu. |
CONSTANTE.
Et bien, Richard, avez-vous eu
Votre paiement ?
RICHARD.
Une moitié.
CONSTANTE.
Mon don n'est il point oublié ?
RICHARD.
Voici l'argent pour en avoir,
970 | Si vous voulez le recevoir. |
CONSTANTE.
Pourquoi non ?
RICHARD.
Ouvrez votre main.
CONSTANTE.
Ha, Richard, ce serait en vain,
Je vous prie, ne me trompez plus.
RICHARD.
Non, non, voilà cinquante écus
975 | Pour avoir une chaîne d'or, |
Me pensez-vous moqueur ?
CONSTANTE.
Encore
Vous avez de moi souvenance ;
Voilà pour votre récompense.
RICHARD.
Il m'a commandé de savoir
980 | Quand il pourrait vous venir voir. |
CONSTANTE.
Non pas pour aujourd'hui, demain.
RICHARD.
Touchez en donc dedans ma main.
Elle sort.
CONSTANTE.
Je le veux, je me recommande.
RICHARD.
Par le corps bieu, elle ne demande [ 29 Par_le_corps_bieu : juron.]
985 | Que les écus : car quant au reste, |
Elle a son cas ; mais je proteste
D'en avoir bientôt la vengeance,
Et du paiement et de l'avance ;
Et des cinquante écus encore,
990 | Des anneaux et des chaînes d'or |
Dont Monsieur lui a fait présent ;
Elle n'a rien trop chaud ne pesant.
Et voilà, la coutume est telle :
Car envers une damoiselle
995 | Il faut toujours l'argent en main : |
Et puis on sait bien que son gain
Est semblable à l'oisellerie :
L'oiseleur en quelque prairie
Vient épandre ses grains semés,
1000 | Où les oiseaux accoutumés |
Ainsi se laissent amorcer :
(Car il faut un peu avancer
Pour en avoir du grain après)
Et lorsqu'ils sont pris dans les rets [ 30 Rets : Filet pour prendre du poisson, du gibier. [L]]
1005 | Ils paient au long la dépense. |
Dont l'oiseleur a fait l'avance.
Ainsi le bordeau, c'est le pré, [ 31 Bordeau : Vieux pour bordel ; lieu de prostitution.]
Là ou l'amoureux est entré
Comme un oiseau : la maquerelle [ 32 Maquerelle : Terme qui ne se dit pas en bonne compagnie. Celui, celle qui fait métier de débaucher et de prostituer des femmes ou des filles. [L]]
1010 | Est l'oiseleur, qui renouvelle |
Souvent l'appas, et met en main
Au lieu d'amorce, une putain :
Les caresses, les mignardises,
Les bonjours et les gaillardises,
1015 | Le doux accueil, le deviser, [ 33 Deviser : Échanger avec quelqu'un de menus propos. [L] Ici substantivé.] |
Sont les moyens d'apprivoiser.
Et en cette façon, mon maître
Est aux rets : mais si je puis être
Écouté, il aura vengeance
1020 | De toute cette grand' dépense. |
Encore ce beau Trésorier,
Et ce cocu, se fait prier,
Où il est le plus diligent :
Et fait accroire que l'argent
1025 | Qu'il m'a baillé n'est pas à lui. |
Je lui ferai dire aujourd'hui
Celui qui a mangé le lard,
Si je le puis tenir à part.
ACTE IV
SCÈNE I.
Loys, Richard.
LOYS.
Amour premier de notre vie
1030 | Inventa la bourellerie, [ 34 Boulrellerie : Le métier, le commerce du bourrelier : ouvrier qui fait et vend des harnais. [L]] |
Et cruauté, comme je crois :
Car assez en moi j'aperçois
Combien sa rage est redoutable,
Moi qui suis le plus misérable
1035 | Qui soit en ce monde vivant. |
Je suis ébranlé comme au vent,
Je suis époind et tourmenté, [ 35 Époindre : Terme vieilli. Faire sentir un aiguillon, un désir. [L]]
Demi-mort, rompu, transporté,
Tourné dans la roue d'amour :
1040 | En mon esprit ne fait séjour |
Aucun repos, je suis jà las,
Là je suis où je ne suis pas,
Mon esprit n'est là où je suis,
Je veux cela que je ne puis ;
1045 | Vivant et mourant je demeure ; |
Ce qui me plaît en la même heure
Me tourne en mécontentement,
Tant déjà l'amoureux tourment
S'est acquis sur moi de puissance :
1050 | Il me met en route, il m'élance, |
Il désire, il ravit, il tient,
Ce qu'il me donne, il le retient :
Il me fait à l'instant défaire
Ce que lui même m'a fait faire,
1055 | Et l'oeuvre faite à sa poursuite |
Est tout incontinent détruite
Et encore avec ces malheurs,
Ce seul point ci fait que je meurs.
Richard.
RICHARD.
Monsieur.
LOYS.
Ce peut-il faire
1060 | Que ce gentil Protonotaire |
Soit jouissant de mon mérite ?
RICHARD.
Je vous ai l'affaire décrite,
Hors mis le saut tant seulement.
N'est-ce donc pas assez ?
LOYS.
Comment ?
RICHARD.
1065 | Demandez vous comment j'ai su |
Ce beau chef-d'oeuvre ? Je l'ai vu
De mes deux yeux : et d'avantage,
J'ai entendu tout leur langage,
Et la conduite de l'affaire.
LOYS.
1070 | Mais qui est ce Protonotaire ? |
Le pourras-tu bien reconnaître ?
RICHARD.
Ha, je vois bien que c'est mon maître
Ne croira Dieu que sur bon gage.
LOYS.
Je perds le sens et le courage
1075 | Tant ce dur rapport me tourmente. |
Qui eut pensé que ma Constante
M'eut voulu faillir en amour,
Et me faire un si lâche tour ?
Encore ne le puis-je croire.
1080 | As-tu vu ce Protonotaire |
Entrer dedans ?
RICHARD.
Oui, je l'ai vu.
LOYS.
As-tu vu qu'elle la reçu ?
RICHARD.
J'ai vu même qu'elle le baisait,
Et, le flattant, le courtisait.
LOYS.
1085 | Tout cela n'est que courtoisie ; |
Je ne prends point de fantaisie
Pour un baiser : car maintenant
Cela se fait honnêtement.
RICHARD.
Mais quand avecque ce baiser
1090 | On ajoute le deviser, |
Qui montre assez l'affection
De l'amoureuse passion,
Je crois qu'il ne faut plus de doute.
LOYS.
Est-ce ainsi donc qu'elle me redoute ?
1095 | Serai-je donc si peu prisé ? |
RICHARD.
Elle vous a dévalisé.
LOYS.
Encore ne le crois-je point.
Raconte moi de point en point
Comment le tout c'est démené.
RICHARD.
1100 | J'étais en un lieu détourné, |
Ou j'ai entendu tout l'affaire.
LOYS.
Je suis donc contraint de le croire :
Tu ne voudrais être menteur.
RICHARD.
Je n'en suis que le serviteur,
1105 | Et pour le devoir de service |
Je fais au moins mal mon office
Qu'il m'est possible. Au demeurant
Toujours véritable, espérant
Faire toujours de mieux en mieux.
LOYS.
1110 | L'eau, la terre, l'air et les cieux, |
Et mille autres fureurs éprises
Contrarient mes entreprises.
Mais je veux montrer combien peut
Mon vie depuis qu'elle s'émeut.
RICHARD.
1115 | Celui qui voudra s'empêcher, |
Qu'il entreprenne être nocher.
Pour dessus la grand' mer conduire
Par son conseil une navire
Et une femme : car au monde,
1120 | Il n'y a rien qui plus abonde |
En toutes affaires nouvelles
Que les nefs et les damoiselles.
Et pourtant si mon maître est sage,
Qu'il ne s'en fâche davantage.
1125 | Puis j'ai entendu bien souvent, |
Que d'une femme le devant,
Ressemble à cette lampe ardente,
Qui est dans l'Église pendante,
À fin d'allumer les chandelles
1130 | De toutes les offrandes nouvelles : |
Elle en allume infinité
Sans rien perdre de sa clarté :
Aussi la femme a beau changer
Un familier à l'étranger,
1135 | L'étranger au premier venu, |
Toujours son cas est maintenu
En son entier, si d'aventure
Elle n'y mêle quelque ordure.
Et si dit-on communément,
1140 | Qu'après le doux ébattement |
Du jeu d'amour, il n'y perd plus
Le tablier rabaissé dessus.
SCÈNE II.
Le Trésorier, Sulpice.
LE TRÉSORIER.
Sire Sulpice, j'ai vouloir
De vous le faire apercevoir.
SULPICE.
1145 | Vous me faites par trop d'honneur. |
LE TRÉSORIER.
Vous trouverez un serviteur
Et un ami en mon endroit.
SULPICE.
Non, non, Monsieur, quand il faudrait
Montrer la bonne affection,
1150 | Vous sauriez quelle intention |
J'ai de vous faire du service.
LE TRÉSORIER.
Je le sais bien, sire Sulpice,
Ce n'est d'aujourd'hui seulement :
Et je vous promets le serment,
1155 | Que tant que Dieu me donne vie |
J'aurai toujours pareille envie :
Je vous connais digne d'aimer.
SULPICE.
Autant devez vous estimer
De ma part.
SCÈNE III.
Loys, Richard, Thomas, Le Trésorier, Sulpice.
LOYS.
Çà, çà, tous en armes.
RICHARD.
1160 | Ils ont affaire à des gendarmes, |
Ils le connaîtront par effet.
THOMAS.
Monsieur, ce ne serait mal fait
De prendre en main quelque rondelle.
LOYS.
Non, non, je n'ai que faire d'elle,
1165 | Elle pense donc que je prise |
Davantage sa marchandise
Que mon honneur : je ne suis plus
De ceux qui donnent des écus
Pour m' entretenir en sa grâce :
1170 | Je suis d'une trop noble race. |
THOMAS.
Je veux faire provision
Maintenant d'un bon morion [ 36 Morion : Ancienne armure de tête plus légère que le casque. [L]]
Pour couvrir le haut de ma tête.
LOYS.
Me penserait elle tant bête
1175 | Que voulusse endurer tel sort ? |
LE TRÉSORIER.
Sire Sulpice, quel effort !
Que veut dire cette entreprise ?
SULPICE.
Possible quelque noise éprise [ 37 Noise : Discorde accompagnée de bruit. [L]]
Entre eux : car toujours ces soudards [ 38 Soudard : Terme familier. Homme qui a longtemps servi à la guerre et qui en a les habitudes ; il se prend en mauvaise part, soit par moquerie, soit pour exprimer la grossièreté ou la barbarie. [L]]
1180 | Ont querelles en toutes parts. |
LE TRÉSORIER.
Entrons dedans.
SULPICE.
Fermez votre huis.
LE TRÉSORIER.
Je connais le seigneur Loys,
Je crois qu'il ne me cherche pas.
RICHARD.
Monsieur, monsieur, hâtons le pas,
1185 | Le Trésorier est à la porte. |
LOYS.
Çà, çà, faites moi bonne escorte ;
Qu'on me lui fende les naseaux.
RICHARD.
Je veux comme des bécasseaux [ 39 Bésasseau : Petit de la bécasse ; oiseau. Fig. et populairement. C'est une bécasse, se dit d'une femme sans esprit. [L]]
Enfiler cette Trésorière,
1190 | Le Trésorier, la chambrière, |
Pour marque qu'une telle injure
N'est impunie.
THOMAS.
Et moi je jure
Que le premier par moi trouvé
Demeurera sur le pavé,
1195 | Protonotaire et Boniface. |
LE TRÉSORIER.
Sire Sulpice, il nous menace.
Hélas, mon Dieu ! Je suis perdu.
THOMAS.
Le Trésorier m'a entendu,
Il heurte pour entrer dedans.
SULPICE.
1200 | Ils sont armes jusques aux dents, |
Et si chacun son bâton porte.
LE TRÉSORIER.
Ne veut-on point ouvrir la porte ?
Me laisserez vous massacrer ?
THOMAS.
Il est en grand peine d'entrer,
1205 | Poussons dedans, armet en tête. [ 40 Armet : Armure de tête. [L]] |
LOYS.
Sus, que chacun de vous s'apprête
De faire maintenant devoir.
RICHARD.
Je lui ferai bien à savoir
A ce gentil Protonotaire,
1210 | Qu'il n'a pas maintenant affaire |
À un pédante de collège. [ 41 Pédant : Terme de mépris. Celui qui enseigne aux enfants. Pédant, pédante, celui, celle qui, avec de médiocres lumières et peu de savoir-vivre, prend un air de suffisance, et fait un usage mal entendu de sa doctrine. [L] Le féminin n'est pas requis ci-contre, il permet de faire 8 pieds au vers.]
THOMAS.
Il est pris, il s'est mis au piège.
LOYS.
Sus, sus, dedans, enfoncez l'huis.
RICHARD.
Il me semble à voir que je suis
1215 | A l'assaut de quelque rempart. |
Enfonçons l'huis de part en part,
Nous sommes sur nos ennemis.
SCÈNE IV.
MARIE, seule.
Miséricorde mes amis,
Sommes-nous en une province
1220 | Où l'on ne craigne point le Prince ? |
Hélas, mon Dieu ! Quelle frayeur !
Encore qui plus est, Monsieur
A trouvé ce Protonotaire,
Qui n'a su autre chose faire,
1225 | Sinon que se pensant, sauver, |
Et voyant subit arriver
Le courtisan et ses soudards
Qui le cherchaient de toutes parts,
Il s'est rendu à leur merci.
1230 | Ô quel ennui ! ô quel souci ! |
Quelle lamentable journée
Maintenant nous est ordonnée !
Voilà, jamais nous n'aurons bien
Dans le logis : car aussi bien
1235 | Toujours le Trésorier jaloux |
Nous acravantera de coups : [ 42 Acravanter : Assomer, accabler. [Ancien français]]
Jamais il n'aura merci d'elle,
Encore si ma Damoiselle
N'eût été prise en ce délit
1240 | Avec monsieur dessus le lit, |
L'on eut pu couvrir cette affaire :
Mais comment ? le Protonotaire
La tenait déjà embrassée,
Quant le mari la devancée
1245 | Comme elle se pensait cacher, |
Et si ne la pouvait lâcher :
Ce qui a tant seulement fait
Qu'il les a pris dessus le fait.
Je m'ébahis bien fort comment
1250 | Il n'est venu premièrement, |
À Boniface : toutefois
J'en suis échappée.
SCÈNE V.
Boniface, Marie.
BONIFACE.
J'étais
Pour mon profit particulier,
Quant j'ai ouï ce beau Trésorier
1255 | Heurter, crier d'une voix forte |
Que l'on lui vint ouvrir la porte.
Si est-ce que j'ai si bien fait,
Qu'il ne m'a pris dessus le fait,
Car, quand j'ai oui ce beau ménage,
1260 | Ainsi qu'un homme de courage |
J'ai gagné le grenier au foin :
Les jambes servent au besoin,
Encore n'est-il que toujours être.
Mais, par Dieu, cependant mon maître
1265 | Est pour les gages demeuré, |
Et moi un peu plus assuré
Que je n'étais.
MARIE.
Hé ! Boniface !
Vraiment vous avez bonne grâce,
Encore vous vous moquez des gens.
BONIFACE.
1270 | Comment cela ? Ce sont sergents, |
Qui veulent mener prisonnier
Votre maître le Trésorier.
Quant à moi, j'aime mieux m'en taire.
MARIE.
Mais Monsieur le Protonotaire
1275 | Est tout seul entre ces soudards. |
BONIFACE.
Je ne me mets en tels hasards,
Je pourrais bien faisant ma monstre
Recevoir quelque malencontre : [ 43 Malencontre : Mauvaise rencontre. [L]]
Je ferai ci la sentinelle.
MARIE.
1280 | Lors que dira Mademoiselle ! [ 44 Le E de mademoiselle est remplacé par une apostrophe.] |
Il m'est avoir qu'elle me suit.
Hé ! Vierge Marie, quel bruit !
Je crois que le seigneur Loys
Veut vous tuer.
BONIFACE.
Il n'est que l'huis
1285 | Pour bien échapper du danger : |
C'est assez pour m'en étranger,
Par Dieu, je n'y retourne pas.
MARIE.
Hé ! Boniface, parlez bas :
Je m'en vais jusque à la sallette. [ 45 Sallette : Petite salle. Désuet.]
BONIFACE.
1290 | Quant à moi, ma tâche est jà faite, |
Je n'y retourne du jourd'hui,
Puisque l'affaire j'ai conduis,
Jusqu'ici, j'en suis échappé.
Et Monsieur demeure trompé ;
1295 | Qu'il se contente à sa fortune. |
MARIE.
Elle nous est à tous commune :
Encore en fault-il voir la fin.
BONIFACE.
J'en suis bien content : mais à fin
Que ne m'y pensiez embrouiller,
1300 | Si l'on me faisait dépouiller ; |
J'en aurais mon recours sur vous.
ACTE V
SCÈNE I.
Sulpice, Loys, Richard, Le Trésorier.
SULPICE.
Monsieur, soyez un peu plus doux,
Quel profit pourriez vous avoir
Quand vous le feriez à savoir
1305 | À la justice ? |
LOYS.
C'est tout un |
Le profit est à tous commun.
RICHARD.
Çà, çà, monsieur le Trésorier,
Vous en porterez le collier,
Et ce pour juste récompense
1310 | D'avoir pillé l'argent de France. |
SULPICE.
Il se soumet à tout accord.
RICHARD.
Par Dieu, je serai le plus fort,
Vous viendrez aussi quand et quand,
Car vous en faisiez le paiement
1315 | En son nom, m'aidant à tromper |
Vous ne me pouvez échapper
Que ne vous fasse mille ennuis.
LE TRÉSORIER.
Écoutez moi, Seigneur Loys,
Vous savez que j'ai fait avance :
1320 | Sera-ce donc la récompense |
Que pour moi vous voulez choisir,
Après vous avoir fait plaisir ?
Auriez-vous bien donc le courage
De m'empêcher en ce voyage,
1325 | Considéré que mon affaire, |
Me contraint comme nécessaire
Pour le profit de notre Prince ?
RICHARD.
Vous êtes sujet à la pince,
C'est cela qui gâte le tout.
LOYS.
1330 | Encore en aurons-nous le bout, |
Richard, fais ce que je commande.
LE TRÉSORIER.
Seigneur Loys, je ne demande
Sinon avoir appointement
Avecque vous.
RICHARD.
Premièrement
1335 | Il faut venir en la prison. |
LE TRÉSORIER.
Je vous ferai toute raison,
Si vous faites un tour honnête.
RICHARD.
Cela n'est que laver la tête
De l'âne qui est aux Bons-hommes. [ 46 Bons-hommes : religieux établis l'an 1259, en Angleterre, par le prince Edmond ; ils professaient la règle de Saint Augustin et portaient un habit bleu. [L]]
LOYS.
1340 | Voici grand cas, tant que nous sommes |
N'aurons pouvoir de le mener
Au palais pour l'emprisonner,
RICHARD.
Chargez le moi comme une balle
Sus le dos, ou comme une malle,
1345 | Puis nous aurons votre courtaud [ 47 Courtaud : Personne de taille courte et ramassée. [L]] |
Qui le mènera aussitôt
Que commandé.
SULPICE.
Soumettez vous,
Et puis Monsieur sera plus doux.
LE TRÉSORIER.
À celle fin d'en voir le bout,
1350 | Je suis content de perdre tout. |
J'ai payé le quartier passé,
Encore vous ai-je avancé
Celui qui vient, pour avoir paix
Avecque vous, Monsieur, je fais
1355 | Comme si n'eussiez rien reçu. |
SULPICE.
Vraiment vous ne serez déçu
Par ce moyen, et de ma part
J'en donnerai le vin à Richard :
Et si désire faire plus.
LOYS.
1360 | Vous dites bien : mais les écus |
Que la Constante tient encore
Pour avoir une chêne d'or ?
LE TRÉSORIER.
Ces écus vous seront rendus,
Et d'autant d'autres dépendus,
1365 | Pour nous réjouir tous ensemble. |
SULPICE.
C'est un bon parti ce me semble.
RICHARD.
Le vin que vous avez promis
À Richard, n'est-il pas donc mis
Parmi le marché ?
SULPICE.
Si est bien,
1370 | Je vous le veux donner du mien. |
RICHARD.
Mais j'aime bien mieux dans ma main
Le voir que d'attendre à demain :
Car je sais bien que les promesses
De leur naturel sont traîtresses :
1375 | Parquoi si voulez paix à moi |
Foncez argent.
SULPICE.
Ha, par ma foi,
Vous l'aurez, car c'est la raison.
LOYS.
Entrons doncques en la maison
Affin de ravoir ma quittance :
1380 | Car je veux du tout assurance. |
SCÈNE II.
Boniface, Le Protonotaire.
BONIFACE.
Non, non, Monsieur, si j'eusse été
Dedans notre Université,
Je leur eusse fait à connaître
Que là dedans je suis le maître.
1385 | Encore j'ai bonne espérance |
D'en avoir un jour la vengeance.
LE PROTONOTAIRE.
Mais que diable es-tu devenu
Cependant ?
BONIFACE.
J'étais détenu
Combattant contre deux soudards :
1390 | Par dieu, c'étaient deux grands pendards, |
Qui m'eussent arraché la vie
Du corps, si n'eut été l'envie
Qu'avais de vaillamment défendre,
Si bien que je leur ai fait rendre
1395 | Tout le courage avec les armes, |
Encore que ce fussent gendarmes.
LE PROTONOTAIRE.
Par dieu, je n'ai su si bien faire,
Qu'au plus fort de tout mon affaire
Je n'aie été surpris. Mais quoi ?
1400 | Il ne se souvient plus de moi : |
Car l'ardeur du Seigneur Loys,
Qui enfonçait en bas son huis
Pour entrer dedans la maison,
Lui a fait perdre la raison.
BONIFACE.
1405 | Non, Monsieur, je m'en veux venger. |
LE PROTONOTAIRE.
Mais, Boniface, en quel danger
Penses-tu que j'étais alors ?
Je t'assure que tout mon corps,
Étant aussi froid que le marbre,
1410 | Tremblait comme une feuille d'arbre. |
BONIFACE.
Ne pourriez-vous revancher ?
LE PROTONOTAIRE.
Encore ne savais-je attacher
Mes chausses chutes aux genoux.
BONIFACE.
Ha, si j'eusse été avec vous !
LE PROTONOTAIRE.
1415 | Encore me pensant sauver, |
Un autre m'est venu trouver
Caché dans la chambre privée :
Puis Constante y est arrivée,
Ce qui a fait que, me sauvant,
1420 | Je me suis trouvé au devant |
Du Seigneur Loys, qui suivait
Le Trésorier, qui s'enfuyait.
BONIFACE.
Quelle mine vous a-t-il fait ?
LE PROTONOTAIRE.
Il m'a dit que c'était bienfait
1425 | À l'homme qui cherche toujours |
Son aventure en ses amours,
Et que lui, étant pourchassant
De ce dont j'étais jouissant,
Il se pensait être aimé d'elle.
BONIFACE.
1430 | Comment ! De cette damoiselle ? |
Sait-on pas bien qui est Constante ?
LE PROTONOTAIRE.
Oui, et qu'en cette folle attente
Il avait dépendu beaucoup :
Mais qu'il voulait tout en un coup
1435 | Son argent, que le Trésorier |
Retenait dessus son quartier,
Puisqu'elle était ainsi commune.
BONIFACE.
Or la damoiselle en a d'une,
L'argent qu'elle vous a prêté
1440 | Entre nos mains est arrêté |
Jusque à la plus grande récompense,
Des présents et de la dépense
Que vous avez fait, poursuivant
Son amour, et dorénavant
1445 | Il se faut garder d'y rechoir. [ 48 Rechoir : Fig. Retomber dans une même maladie ou dans une même faute. [L]] |
LE PROTONOTAIRE.
Boniface allons nous en voir
Tous les écus de la Constante.
SCÈNE III.
MARIE, seule.
Loué soit Dieu, tout se contente :
Et qui plus est, le Trésorier
1450 | Ne sera point mis prisonnier; |
J'en remercie bien nos amis.
Encore plus il a promis
Pardonner, dont je me contente,
À Mademoiselle Constante,
1455 | Et à moi aussi, promettant |
D'en faire encore demain autant,
Cela s'entend : mais par ma foi,
Je regarderai mieux à moi,
Et à mon cas dorénavant,
1460 | Que je n'ai fait par ci-devant. |
Ne vaudra-il pas mieux choisir,
Afin de prendre mon plaisir,
Quelque jeune homme, que toujours
Languir aux misères d'amours ?
1465 | Si fait, pendant que la jeunesse |
Émut dans mon coeur l'allégresse
Du doux amour, qui or' m'enlasse,
Et duquel déjà Boniface
M'a fait sentir l'ébattement,
1470 | Mais ce sera secrètement : |
Car voilà, l'on n'est jamais sage
Qu'après les plaies : c'est, c'est l'usage
Du temps qui court, et pour vrai dire,
Ma maîtresse veut toujours rire
1475 | Au premier venu, c'est tout un, |
Autant aux nobles qu'au commun :
Et en cela gît tant l'affaire
De par dieu. Le Protonotaire
Dont elle tirait tant d'écus,
1480 | Maintenant n'y reviendra plus, |
Et voilà autant de pratique.
Étrangée de sa boutique.
Mais il faut aller apprêter
Le banquet. De vous inviter
1485 | Messeigneurs, j'aurai bonne envie : |
Mais, ananda, la compagnie [ 49 Au vers 1486, il est écrit anenda, nous préférons ananda pour homogénéiser la graphie dans tout le texte.]
Qui est céans mangerait bien
Le Trésorier et tout son bien.
EXTRAIT DU PRIVILÈGE
Il est permis à Vincent Sertenas marchand libraire à PAris d'imprimer ou faire imprimer par qui bon lui semble, et exposer en vente le présent livre imprimé Le Théâtre de Jacques Grévin de Clermont en Beauvaisis, avec le second livre de l'Olympe, et de la Gelodacrye. Avec défenses à toutes autres personnes qu'il appartiendra de n'imprimer, n'exposer en vente icelui livre, sans le vouloir et consentement dudit Sertenas, dedans le temps de six ans prochainement venants et accomplis, sur peine de confiscation desdits livres et amende arbitraire comme plus à plein est contenu es lettre de privilège données à PAris, le seizième jour de juin 1561,
Par le Conseil, DE COURLAY.
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Notes
[1] Voiser : Se divertir, s'amuser.
[2] Marâtre : Mauvaise mère. Ce n'est pas une mère, c'est une marâtre. Ici, sens figuré et adjectivé.
[3] Ne : ancienne forme de ni.
[4] Proronotaire : Officier de Cour de Rome qui a un degré de prééminence fur les autres Notaires. [F]
[5] Heur : rencontre avantageuse. (...) [F] [antonyme de malheur]
[6] Archerot : Petit archer, nom donné à Cupidon. [L]
[7] Parfin : fin.
[8] Perdurable : Qui doit durer jusqu'à la fin. [L]
[9] Tardement : Action de tarder. [L]
[10] Vers, 247. Encore est graphié Encor'.
[11] Pécune : Terme vieilli et familier. Argent comptant. [L]
[12] Soudard : Terme familier. Homme qui a longtemps servi à la guerre et qui en a les habitudes ; il se prend en mauvaise part, soit par moquerie, soit pour exprimer la grossièreté ou la barbarie. [L]
[13] Journelle : de journée, quotidienne.
[14] Repasser : Après être allé d'un lieu à un autre, revenir de celui-ci au premier. [L]
[15] Emmaler : Mis dans une malle, enfermé.
[16] Emoucher : Chasser les mouches. Par extension, battre, comme si les coups étaient donnés pour chasser les mouches. [L]
[17] Ivoirine : Qui est d'ivoire ou qui est semblable à l'ivoire [L]
[18] Nonpareil : Qui est sans pareil. [L]
[19] Besognette : On lit besongnette. Probablement diminutif de besongne, petit travail, tâche.
[20] Gaudisseur : Celui, celle qui aime à se gaudir. Terme familier et qui commence à vieillir. Se réjouir. [L]
[21] Babiller : Parler beaucoup, facilement, et surtout pour le seul plaisir de parler. [L]
[22] Huis : Terme vieilli qui signifie porte. [L]
[23] Affeté : Qui a de l'afféterie ; qui marque de l'afféterie. Recherche mignarde dans les manières ou dans le langage. [L]
[24] Déchassé : parti.
[25] Feintise : Habitude de la feinte. Synonyme de feinte, avec cette seule nuance que feintise vieillit et qu'il a un air archaïque. [L]
[26] Soulas : Terme vieilli. Soulagement, consolation, joie, plaisir. [L]
[27] Amorce : Fig. Tout ce qui fait mordre à, tout ce qui attire. [L]
[28] Fol : fou.
[29] Par_le_corps_bieu : juron.
[30] Rets : Filet pour prendre du poisson, du gibier. [L]
[31] Bordeau : Vieux pour bordel ; lieu de prostitution.
[32] Maquerelle : Terme qui ne se dit pas en bonne compagnie. Celui, celle qui fait métier de débaucher et de prostituer des femmes ou des filles. [L]
[33] Deviser : Échanger avec quelqu'un de menus propos. [L] Ici substantivé.
[34] Boulrellerie : Le métier, le commerce du bourrelier : ouvrier qui fait et vend des harnais. [L]
[35] Époindre : Terme vieilli. Faire sentir un aiguillon, un désir. [L]
[36] Morion : Ancienne armure de tête plus légère que le casque. [L]
[37] Noise : Discorde accompagnée de bruit. [L]
[38] Soudard : Terme familier. Homme qui a longtemps servi à la guerre et qui en a les habitudes ; il se prend en mauvaise part, soit par moquerie, soit pour exprimer la grossièreté ou la barbarie. [L]
[39] Bésasseau : Petit de la bécasse ; oiseau. Fig. et populairement. C'est une bécasse, se dit d'une femme sans esprit. [L]
[40] Armet : Armure de tête. [L]
[41] Pédant : Terme de mépris. Celui qui enseigne aux enfants. Pédant, pédante, celui, celle qui, avec de médiocres lumières et peu de savoir-vivre, prend un air de suffisance, et fait un usage mal entendu de sa doctrine. [L] Le féminin n'est pas requis ci-contre, il permet de faire 8 pieds au vers.
[42] Acravanter : Assomer, accabler. [Ancien français]
[43] Malencontre : Mauvaise rencontre. [L]
[44] Le E de mademoiselle est remplacé par une apostrophe.
[45] Sallette : Petite salle. Désuet.
[46] Bons-hommes : religieux établis l'an 1259, en Angleterre, par le prince Edmond ; ils professaient la règle de Saint Augustin et portaient un habit bleu. [L]
[47] Courtaud : Personne de taille courte et ramassée. [L]
[48] Rechoir : Fig. Retomber dans une même maladie ou dans une même faute. [L]
[49] Au vers 1486, il est écrit anenda, nous préférons ananda pour homogénéiser la graphie dans tout le texte.