À JEAN RACINE

ANNIVERSAIRE DE SA NAISSANCE.

21 DÉCEMBRE 1639

Vers dits au Théâtre de Clermont, par M. ESTIVAL le 21 décembre 1878

1878

OFFICIER D'ACADÉMIE de la Société des Gens de Lettres ; des Académies de Clermont, du Gard, etc. de l'Athénée de Venise.

CLERMONT-FERRAND Mlle H. COLLAY, LIBRAIRE-ÉDITEUR, ANCIENNE MAISON DUCROS-PARIS, Rue Saint-Genès? n° 5

CLERMONT FERRAND, Typ. A. VIGOT.

Vers dits au Théâtre de Clermont, par M. ESTIVAL le 21 décembre 1878.


Texte établi par Paul FIEVRE, juillet 2023

© Théâtre classique - Version du texte du 30/06/2024 à 10:57:03.


A. BARDOUX

MOINS AU MINISTRE QU'A L'AMI

Ces vers sont affectueusement dédiés par l'Auteur


PERSONNAGES.

LE NARRATEUR.


À JEAN RACINE

Racine, à toi ces vers ! Maître, à toi notre hommage !

Le tombeau, pour beaucoup, est muet et profond ;

Mais deux cent quarante ans n'ont passé sur ton nom

Que pour le consacrer ; la gloire n'a pas d'âge !

5   Et la tienne, à jamais, sur nous rayonnera,

Poète immortel ! Oui, ton oeuvre restera

Des choses de l'esprit le splendide modèle !

     

Son élégance exquise et son puissant coup d'aile,

Son idéal du beau t'ont conquis un sommet

10   Si flamboyant, que tout ce que le temps a d'ombre

Ne l'a pas obscurci ; que, quel que soit leur nombre,

Tes rivaux n'ont pu rien y maintenir de sombre,

Et qu'à toi, son soleil, chaque astre se soumet !

     

Oui, maître, à pareil jour, la France radieuse,

15   Inconsciente encor, vaguement pressentait

Que le vingt-un du mois de décembre serait

D'un grand enfantement la date lumineuse !

     

Tu naissais ce jour-là !

Dans ton frêle berceau,

Pour toi la vie à peine allumait son flambeau ;

20   Durant ce mois, pourtant, le dernier de l'année

Mil six cent trente-neuf, une force était née 1

Des langes enserraient un enfant dont les cris

Auraient, en leur prêtant une idéale oreille,

Produit une harmonie à nulle autre pareille ;

25   Ce pauvre être naissant était une merveille

Que La Ferté-Milon destinait à Paris !

     

À nous, comédiens, de fêter cette date ;

Le théâtre lui doit l'un de ses plus grands noms ;

Racine l'illustra de magiques fleurons :

30   Pour Racine, aujourd'hui, que notre amour éclate !

     

Son buste est là, nos coeurs battent pieusement,

Nous contemplons ses traits avec recueillement;

Tout un passé surgit devant cette figure !

Ô grand homme ! ô génie à l'immense envergure !

35   Divin auteur de Phèdre et de Britannicus,

Qui rêvas Bérénice et sculptas Athalie,

Fis soupirer Esther, mis dans Iphigénie

L'héroïsme absolu du dédain de la vie,

Écrivis les Plaideurs, un chef d 'oeuvre de plus !

     

40   À nous, comédiens, d'admirer le poète

Qui de l'esprit de l'homme éleva le niveau,

Analysa son coeur pour le former au beau,

Et de ses sentiments fut le pur interprète !

     

À nous, comédiens, d'être reconnaissants !

45   Ne lui devons-nous pas les rôles triomphants

Qui, du théâtre, ont fait une école sublime?

Hermione et Burrhus, Andromaque et Monime,

Agrippine et ... Dandin, ne sont-ils pas pour nous

Des types éternels de la nature humaine,

50   Types conçus, rêvés, transportés sur la scène,

Dont nous étudions la vérité sereine

Pour la réaliser ?

     

Ô merci ! Donc à vous,

Grands investigateurs, soit plaisants, soit austères ;

Psychologues profonds, et quels que soient d'ailleurs

55   Vos lumineux moyens : le sourire ou les pleurs,

Scalpels des passions, pinceaux des caractères,

Propagateurs sacrés ; maîtres, à vous merci !

Et faisons-nous l'honneur de vous nommer ici :

Toi Rotr[o]u, toi Corneille, et toi, notre Molière !

60   Ajoutons à Racine et Regnard et Voltaire ;

Groupons en un faisceau tous les noms radieux

De ces hommes qu'au front a marqués le génie!

Et qu'aujourd'hui celui qui naissait à la v.c

Soit entouré par vous, dont la France ravie

65   Sera fière toujours; ô rayons merveilleux !

Surhumaines clartés !

     

Maîtres, pour le théâtre,

N'avez-vous pas formé nos coeurs et nos esprits ?

De nos rudes labeurs nous conquerrons le prix ;

Car c'est le bon combat que nous voulons combattre.

     

70   Sommes-nous pas, d'ailleurs, tes fils, ô Poquelin !

Ne nous as-tu donc pas aplani le chemin

Où nous poursuivons l'art, grâce à la foi robuste

Que nous avons en toi, comédien auguste,

Prodigieux ancêtre, aux excitants vainqueurs!

     

75   Et toi, dont nous fêtons la date glorieuse,

Grand Racine ! Reçois le couronne pieusement

Que pour le célébrer, cette journée heureuse,

Aujourd'hui, sur ce buste, accompagnent nos coeur !

     

21 décembre 1878.

 



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