Monologue pour jeune fille.
1906. Tous droits de traduction, de reproduction et de représentation réservés, pour tous les pays, y compris la Suède et la Norvège.
H. BEZANÇON
PARIS, LIBRAIRIE THÉÂTRALE, 30, rue de Grammond, 30.
IMPRIMERIE GÉNÉRALE DE CHATILLON-S-SEINE. - A. PICHAT.
Texte établi par Paul FIEVRE, octobre 2024
Publié par Paul FIEVRE, novembre 2024.
© Théâtre classique - Version du texte du 26/10/2024 à 20:15:23.
PERSONNAGES
UNE JEUNE FILLE.
LE BON VIEUX TEMPS
Au lieu de dénigrer le temps présent - et pour changer un peu - si nous chantions les louanges du bon vieux Temps ?
Avec un attendrissement décommandé.
Ce bon vieux Temps !... Oncques nous ne vîmes le bout de sa perruque, mais nos grand'mères en disent mer veille !...
Souriant avec malice.
Dame ! Sous son règne, elles furent gracieuses, belles, aimées...
Mesdames, nous n'étions alors ni frondeuses, ni avocates, ni doctoresses... ni bicyclistes !
À peine un discret pincement de harpe, ou le son d'un antique clavecin révélaient notre présence...
Nos grands-pères étaient galants, si nos aïeules étaient jolies !... On baisait alors une blanche main avec des grâces de cour...
Avec une légère moue.
Aujourd'hui, on la secoue sans façon !... Où es-tu, poétique vieux Temps ?...
Avec une emphase un peu comique.
Je louerai même tes daguerréotypes !... Berceau de la photographie !... Naissance obscure du progrès !... Tu nous gardes la vision des crinolines d'antan... Nos ancêtres semblent des nègres... N'importe !... Je verse un pleur sur le daguerréotype !...
Changeant de ton.
Au risque de l'effacer un peu plus...
Une pause. Puis, d'un air sombre :
Les crimes. - Ding ! ding ! ding ! Qu'est-ce qui sonne dans l'ombre ? Minuit ! L'heure des crimes !...
D'un ton très naturel.
Eh bien, j'aime mieux ça : au moins on sait à quoi s'en tenir.
Avec dépit.
Aujourd'hui, messieurs les voleurs n'ont plus d'heure fixe ! On les attend du matin au soir... Comme c'est agréable !... On savait l'heure du frisson, au bon vieux Temps !...
Une pause.
Les voyages.
Geste de faire claquer un fouet.
Clic ! Clac ! C'est la diligence. On voyage à petites étapes...
Poétiquement.
On rêve devant un site... La route monte... Les chevaux soufflent... Les grelots sonnent, alanguis... On somnole...
Sursautant, et mimant un air terrible.
Tout à coup, un joli chapeau d'opéra-comique, bien pointu, une voix menaçante : - La bourse ou la vie !...
Avec philosophie.
On donne la bourse, on garde la vie... C'est l'aimable voleur de jadis : il vous laisse au moins le choix... sans compter une peur bien romantique...
Avec humeur.
À présent... Les pickpockets font le porte-monnaie sans prévenir... et s'habillent chez le bon faiseur !...
Avec ironie.
Les chemins de fer, il est vrai, vont vite... et déraillent ! On ne rêve plus, devant les sites verdoyants ou bleuâtres... Est-ce qu'on rêve à la vapeur !...
Le mariage. - Et lui aussi, à la vapeur !
Rapidement.
Une entrevue, un chiffre,un oui... ou un non!
Finement.
Au bon vieux Temps, on voyageait à petites étapes... Une idylle durait des années... Un aveu coûtait des soupirs... Point d'express au pays du Tendre !...
À très petites étapes, on allait... vers le bonheur fidèle, durable... au bon vieux Temps !... Enfin... On n'y disait pas de monologues !... J'eusse été dispensée de mon humble tribut à cette mode... sûre de ne pas lire, en des yeux moqueurs :
- Ah ! Que n'a-t-elle vécu au bon vieux Temps !... Elle se tairait aujourd'hui !...
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