CONVERSATION GALANTE
VIII
M. DC. LXIV.
PAR RENÉ BARY, Conseiller et Historiographe du Roi.
À BRUXELLES, Chez BALTHAZAR VIVIEN, au bon Pasteur.
Texte établi par Paul FIÈVRE, octobre 2023
Publié par Paul FIEVRE, novembre 2023
© Théâtre classique - Version du texte du 31/03/2024 à 09:09:48.
ACTEUR.
ARSACE.
SATIRA.
Texte extrait de "L'esprit de cour, ou Les conversations galantes, divisées en cent dialogues.", René Bary, Bruxelles : Chez Balthazar Vivien, 1664. pp 16-18.
DE LA MÉMOIRE.
Arsace galantise Satira fur la beauté de sa mémoire.
ARSACE.
Les vieilles idées sont fraîches dans votre souvenir, et votre mémoire est si officieuse, qu'elle fournit à votre imagination tout ce qu'elle lui demande.
SATIRA.
Les mêmes choses qui font le bonheur de la mémoire, sont la faiblesse du jugement.
ARSACE.
Les mêmes choses qui se combattent dans la plupart des autres, s'accordent chez vous.
SATIRA.
Quelle apparence que les chaleurs de l'imagination s'accordent avec les humidités de la mémoire ?
ARSACE.
Le siège de la mémoire n'est pas celui de la fantaisie, et comme le vert, le jaune, et quelques autres couleurs, peuvent être en un même espace sans être en un même lieu, l'humide, le chaud, et quelques autres qualités, peuvent être en un même cerveau sans être en même endroit.
SATIRA.
Je ne m'attache point à ces raisons, je m'attache à l'expérience.
ARSACE.
Je ne m'attache point non plus à cette Philosophie, je m'attache à votre personne.
SATIRA.
Si j'avais de l'esprit, je combattrais l'exemple que vous prenez : mais je ne trouve pas les raisons que je cherche, et je sens même que je suis déjà comme incapable de fournir à la moindre objection.
ARSACE.
Vous n'êtes pas confuse vous êtes malicieuse ; vous voulez paraître interdite, afin que je paraisse menteur.
SATIRA.
J'estime trop votre estime, pour la négliger.
ARSACE.
Si votre esprit éclate lors même que vous voulez le cacher, que ne fait-il point lorsque vous voulez le découvrir ?
SATIRA.
Quel esprit y a-t-il à paraître sans esprit ?
ARSACE.
L'on témoigne que l'on a de l'esprit, lorsque pour prouver une fausseté l'on trouve le moyen que l'on cherche. Vous avez rapporté que la belle mémoire et le bel esprit étaient incompatibles, et comme au respect de votre personne, vous ne pouviez prouver à ce faux principe que en démentant volontairement la force de votre génie, il me semble qu'en faisant d'abord la vaincue, vous avez fait la spirituelle.
SATIRA.
Qui sait si volontairement j'ai comme étouffé mes rayons ?
ARSACE.
Je juge des belles choses que vous eussiez dites aujourd'hui, par les belles choses que vous dites tous les jours.
SATIRA.
Si j'avais du feu, je m'en apercevrais : mais quelque examen que je fasse de mes pensées, je ne découvre rien qui soit digne de vos éloges.
ARSACE.
Vous ferez la modeste tant qu'il vous plaira, c'est votre coutume : mais vous savez bien que vous êtes un de plus beaux génies du monde, et qu'on ne mettra jamais sur votre porte. Connais-toi toi-même.
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