DE LA CONTRARIÉTÉ

CONVERSATION

IV

XCVIII.

AVEC PRIVILÈGE DU ROI.

PAR RENÉ BARY, Conseiller et Historiographe du Roi.

À PARIS, Chez CHARLES DE SERCY, au Palais, dans le Salle Dauphine, à la Bonne-Foi couronnée.


Texte établi par Paul FIÈVRE, octobre 2023

Publié par Paul FIEVRE, novembre 2023

© Théâtre classique - Version du texte du 31/12/2023 à 14:48:08.


ACTEUR.

EBENE.

LYSETE.

Texte extrait de "L'esprit de cour, ou Les conversations galantes, divisées en cent dialogues, dédiées au Roi.", René Bary, Paris : de C. de Sercy, 1662. pp 22-27.


DE LA CONTRARIÉTÉ.

Une grande dame déclare à une de ses amies, qu'elle ne peut souffrir qu'en lui donne de l'encens.

LYSETE.

Je ne puis voir de bon air ceux qui admirent tout ce que je dis.

EBENE.

De tous les poisons je n'en connais point de si redoutables que celui qui entre par l'oreille.

LYSETE.

En effet, le venin du coeur est moins dangereux que celui de l'âme.

EBENE.

Pour vous, Madame, il est malaisé de vous en faire accroire ; la connaissance de soi-même est une de vos études.

LYSETE.

Quelque connaissance qu'on ait de sa supériorité, il est toujours à craindre qu'à force d'entendre des flatteries, l'on ne se flatte.

EBENE.

L'on ne dit rien qui soit au dessus de votre mérite, lors qu'on dit que vous méritez beaucoup ; la vérité pour vous n'a rien que de beau ; de l'on ferait mal votre portrait, si l'on ne le faisait ravissant.

LYSETE.

Vraiment je suis bien malheureuse, je trouve en vue personne que j'aime, ce que je n'aime point.

EBENE.

Que dis-je qui puisse vous déplaire ?

LYSETE.

Que dites-vous qui puisse m'agréer ?

EBENE.

Je dis de vous, Madame, ce que tout le monde en pense ; et si vous entendiez tout ce qu'il en dit, vos oreille sauraient cent fois plus d'occupation que vos yeux.

LYSETE.

Je ne doute point que je n'aie quelque qualité considérable ; si je n'en avais point, vous ne prendriez pas la peine de me débiter des fleurettes : Mais quelle proportion y a-t-il entre l'état que vous faites de ma personne, et le simple état que vous en devriez faire ?

EBENE.

Si je péchais contre cette proportion, pourquoi commettrais-je ce péché ? Ne sais-je pas que vous savez distinguer ceux qui vous cajolent d'avecque ceux qui ne vous cajolent point ? Et que la flatterie qui entrerait dans vos oreilles, n'entrerait pas dans votre créance ?

LYSETE.

Quand vous seriez innocente du crime dont je vous accuse, les vérités dont vous m'entretiendriez ne seraient comme à charge : La raison est, que la contestation réveille le génie, que l'opposition échauffe la veine, et que de la contrariété des sentiments naissent quelquefois les plus beaux rayons du monde.

EBENE.

Comme les gens de votre force sortent toujours des jeux de l'esprit avecque beaucoup de succès, il ne faut pas s'étonner s'il n'y a presque personne qui ose vous livrer chance.

LYSETE.

Je n'aime les combats spirituels que parce que j'aime les conversations utiles : Tout le raisonnement humain n'est pas dans une tête ; Les matières les plus stériles ont diverses faces ; Nous les regardons d'un coté, et notre adversaire les regarde d'un autre.

EBENE.

Il est vrai que quelque belle que soit la vérité, il y a quelquefois grand plaisir à la contredire : Mais qui entreprendrait de la choquer devant vous ? Sortirait-on à son honneur d'un combat si inégal ? La vérité serait-elle faible dans votre bouche? Tairiez-vous son parti ? Abandonneriez-vous ces intérêts ?

LYSETE.

Quoi, vous louerez toujours les gens ? Hé ! De quelle humeur êtes-vous ? Vraiment si vous n'adoucissiez l'excès de vos éloges par les charmes de votre éloquence, vous n'auriez pas en personne un auditeur bien attentif.

EBENE.

C'est ici, Madame, qu'on peut dire qu'une langue éloquente loue une langue indiserte.

LYSETE.

Si j'avais l'art du bien dire, j'aurais l'art de la persuasion ; vous vous déferiez de vos erreurs, et vous embrasseriez mes sentiments

EBENE.

Il est impossible de persuader les faussetés évidentes ; L'art a ses bornes, et la vérité a ses convictions.

 


PRIVILÈGE DU ROI.

Louis par le Grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : À nos âmés et Féaux conseillers les gens tenant nos cours de Parlement, requêtes de notre Hôtel et du Palais, Baillifs, sénéchaux, leurs lieutenants, et tous autres nos officiers et justiciers qu'il appartiendra, Salut. Notre cher et bine aimé le Sieur RENÉ BARY, nous a fait exposé qu'il a fait un livre intitulé, L'ESprit de Cour, ou les belles conversations, lequel il désirerait faire imprimer, s'il nous plaisait lui accorder nos lettres sur ce nécessaires. À CES CAUSES, Nous lui avons permis et permettons par ces présentes, de faire imprimer, vendre et débiter en tous les lieux de notre Royaume, le susdit livre en tout ou en partie, en tels volumes, marges et caractères que bon lui semble, pendant sept années, à commencer du jours que chaque volume sera achevé d'imprimer pour le première fois, et à condition qu'il en sera mis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un ne celle de notre château du Louvre, vulgairement appelé le Cabinet des Livres, et un en celle de notre très cher et féal le Sieur Séguier Chancelier de France, avant de les exposer en vente ; et à faute de rapporter ès mains de notre âmé et féal Conseiller en nos conseils, Grand Audiencier de France, en quartier, un récépissé de notre Bibliothèque, et du Sieur Cramoisy, commis par nous du chargement de la délivrance actuelle desdits exemplaires, Nous avons dès à présent déclaré ladite permission d'imprimer nulle, et avons enjoint au Syndic de faire saisir tous les exemplaires qui auront été imprimés sans avoir satisfait les clauses portées par ces présentes. Défendons très expressément à toutes personnes, de quelque condition et qualité qu'elles soient, d'imprimer, faire imprimer, vendre ni débiter le susdit livre en aucun lieu de notre désobéissance durant ledit temps, sous quelque prétexte que ce soit, sans le consentement de l'exposant, à peine de confiscation de ces exemplaires, de quinze cent livres d'amende, et de touts dépends, dommages et intérêts. Voulons qu'aux copies des présentes collationnées par l'un de nos âmés et féaux conseillers et secrétaires du Roi, foi soit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huissier ou Sergent sur ce requis, de faire pour l'exécution des présentes tous exploits nécessaires, sans demander autre permission ; Car tel est notre bon plaisir ; nonobstant oppositions ou appellations quelconques, Clameur de Haro, Charte Normande, et autres lettres à ce contraires. Donné à Paris le quinzième jour de décembre, l'an de grâce mille six cent soixante et un, et de Notre règne le dix-neuvième. Signé, par le Roi en son conseil, MOUSTIER, et scellé du grand sceau de cire jaune.

Registré sur le livre de la Communauté le 10 , mars 1662, suivant l'arrêt de la Cour de Parlement du 8 avril 1653. Signé DEBRAY, Syndic.

Ledit Sieur BARY a cédé et transporté son droit de privilège à Charles de Sercy Marchand Libraire à Paris, pour en jouir suivant l'accord fait entre eux.

Achevé d'imprimer pour la première foi le 24 jour de mars 1662. Les exemplaires ont été fournis


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