DE LA COLÈRE

CONVERSATION

XXIX.

XCVIII.

AVEC PRIVILÈGE DU ROI.

PAR RENÉ BARY, Conseiller et Historiographe du Roi.

À PARIS, Chez CHARLES DE SERCY, au Palais, dans le salle Dauphine, à la Bonne-Foi couronnée.


Texte établi par Paul FIÈVRE, octobre 2023

Publié par Paul FIEVRE, novembre 2023

© Théâtre classique - Version du texte du 30/09/2024 à 21:19:57.


ACTEUR.

BERINE.

TYBRAQUE.

Texte extrait de "L'esprit de cour, ou Les conversations galantes, divisées en cent dialogues, dédiées au Roi.", René Bary, Paris : de C. de Sercy, 1662. pp 185-190.


DE LA COLÈRE

Berine ayant mis un homme en colère pour découvrir sa pensée découvre son artifice à un homme qu'elle aime bien ; et son galant lui dit quelque chose là dessus.

BERINE.

Comme le vin doux a la propriété d'attirer sur la superficie la lie qui est au fond du vaisseau, la colère a la vertu d'attirer aussi sur la langue les secrets qui sont au fond du coeur ; et c'est pour cette raison que voulant découvrir adroitement les sentiments qu'a Théagone d'un homme qu'il voit, et que je ne puis souffrir, j'ai mis mal le même homme avec lui.

TYBRAQUE.

Si votre beauté a le pouvoir de faire naître les passions les plus douces, votre artifice a le secret d'exciter les passions les plus aigres : il est en votre puissance de porter la froideur dans le zèle, et d'introduire la division dans la concorde ; et quand vous avez entrepris de faire parler le coeur, il n'y a point de taciturne qui ne devienne babillard, il n'y a point de dissimulé qui ne devienne franc.

BERINE.

Il me semble que celui qui a dit que les passions étaient des tortures, a fort bien rencontré. Il me semble que celui qui a dit que les passions étaient des tortures, a fort bien rencontré.

TYBRAQUE.

Ce n'est pas sans sujet que vous estimez ce sentiment ; les mouvements sont aux émus, ce que les gênes font aux gênés.

BERINE.

Mon dessein a réussi, j'ai su ce que je voulais savoir.

TYBRAQUE.

Ceux qu'on tourmente, savent bien pourquoi on les presse ; mais ceux que vous voulez surprendre, ne savent pas pourquoi on les agite : vous êtes impénétrable à la clairvoyance ; votre extérieur brave les observations, et vous savez si bien compasser vos gestes à vos fins, qu'il semble qu'à l'imitation des rameurs, vous tourniez le dos où vous voulez arriver.

BERINE.

Vous vantez votre ouvrage lorsque vous vantez mon adresse ; les lumières de mon esprit viennent des rayons de votre entendement ; et si en matière de ruse je suis une bonne écolière, c'est parce qu'en cela vous êtes vu excellent maître.

TYBRAQUE.

Quelque effort pourtant que j'aie fait de vous bien connaître, vous avez été toujours à mon examen un objet fort obscur ; de quelque effort que j'aie fait de me bien déguiser, j'ai toujours été à votre observation un objet fort connaissable.

BERINE.

À dire le vrai, je n'ai pas remarqué qu'à mon égard vous ayez été difficile à définir.

TYBRAQUE.

Vous vous ressouvenez toujours de notre première entrevue.

BERINE.

Qui ne s'en ressouviendrait ! Jamais homme au monde fut-il d'abord plus ouvert !

TYBRAQUE.

Quoi que vous me gagnâtes dès que je vous eus vue, le feu de vos yeux n'eut pourtant pas alors tiré la quintessence de mes secrets, si vous n'eussiez accompagné ce feu de je ne sais quelle afféterie : mais dès que vous m'eûtes fait des souris amiables, dès que vous m'eûtes jeté des regards adoucis, il ne fut plus en ma puissance de conserver ma retenue, il ne fut plus en mon pouvoir de retenir ma langue ; je sentis je ne sais quoi qui m'émut, qui m'anima, qui me donna enfin le front de vous dire ce que vous ne pouvez plus ignorer.   [ 1 Afféterie : Recherche mignarde dans les manières ou dans le langage. [L]]

BERINE.

Je vois bien à quoi vous tendez ; vous voulez que j'aie vue grande opinion de mon mérite, afin que je n'aie pas un mauvais sentiment de votre hardiesse.

TYBRAQUE.

Je ne m'étendrai point sur vos louanges ; vous avez de la peine à les souffrir : il me suffira de vous dire que vous joignez les beautés du corps aux richesses de l'esprit ; que ces beautés sont comme autant de traits qui blessent, qui tuent, et que pour étouffer sa voix dans le ressentiment de leurs atteintes, il faudrait avoir la grâce du martyre.

 


PRIVILÈGE DU ROI.

Louis par le Grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : À nos âmés et Féaux conseillers les gens tenant nos cours de Parlement, requêtes de notre Hôtel et du Palais, Baillifs, sénéchaux, leurs lieutenants, et tous autres nos officiers et justiciers qu'il appartiendra, salut. Notre cher et bine aimé le sieur RENÉ BARY, nous a fait exposé qu'il a fait un livre intitulé, L'Esprit de Cour, ou les belles conversations, lequel il désirerait faire imprimer, s'il nous plaisait lui accorder nos lettres sur ce nécessaires. À ces causes, Nous lui avons permis et permettons par ces présentes, de faire imprimer, vendre et débiter en tous les lieux de notre Royaume, le susdit livre en tout ou en partie, en tels volumes, marges et caractères que bon lui semble, pendant sept années, à commencer du jours que chaque volume sera achevé d'imprimer pour le première fois, et à condition qu'il en sera mis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un ne celle de notre château du Louvre, vulgairement appelé le Cabinet des Livres, et un en celle de notre très cher et féal le Sieur Séguier Chancelier de France, avant de les exposer en vente ; et à faute de rapporter ès mains de notre âmé et féal Conseiller en nos conseils, Grand Audiencier de France, en quartier, un récépissé de notre Bibliothèque, et du sieur Cramoisy, commis par nous du chargement de la délivrance actuelle desdits exemplaires, Nous avons dès à présent déclaré ladite permission d'imprimer nulle, et avons enjoint au syndic de faire saisir tous les exemplaires qui auront été imprimés sans avoir satisfait les clauses portées par ces présentes. Défendons très expressément à toutes personnes, de quelque condition et qualité qu'elles soient, d'imprimer, faire imprimer, vendre ni débiter le susdit livre en aucun lieu de notre désobéissance durant ledit temps, sous quelque prétexte que ce soit, sans le consentement de l'exposant, à peine de confiscation de ces exemplaires, de quinze cent livres d'amende, et de touts dépends, dommages et intérêts. Voulons qu'aux copies des présentes collationnées par l'un de nos âmés et féaux conseillers et secrétaires du Roi, foi soit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huissier ou sergent sur ce requis, de faire pour l'exécution des présentes tous exploits nécessaires, sans demander autre permission ; Car tel est notre bon plaisir ; nonobstant oppositions ou appellations quelconques, Clameur de Haro, Charte Normande, et autres lettres à ce contraires. Donné à Paris le quinzième jour de décembre, l'an de grâce mille six cent soixante et un, et de Notre règne le dix-neuvième. signé, par le Roi en son conseil, MOUsTIER, et scellé du grand sceau de cire jaune.

Registré sur le livre de la Communauté le 10 , mars 1662, suivant l'arrêt de la Cour de Parlement du 8 avril 1653. signé DEBRAY, syndic.

Ledit sieur BARY a cédé et transporté son droit de privilège à Charles de Sercy Marchand Libraire à Paris, pour en jouir suivant l'accord fait entre eux.

Achevé d'imprimer pour la première foi le 24 jour de mars 1662. Les exemplaires ont été fournis


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Notes

[1] Afféterie : Recherche mignarde dans les manières ou dans le langage. [L]

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