CONVERSATION
X.
XCVIII.
AVEC PRIVILÈGE DU ROI.
PAR RENÉ BARY, Conseiller et Historiographe du Roi.
À PARIS, Chez CHARLES DE SERCY, au Palais, dans le salle Dauphine, à la Bonne-Foi couronnée.
Texte établi par Paul FIÈVRE, octobre 2023
Publié par Paul FIEVRE, novembre 2023
© Théâtre classique - Version du texte du 30/09/2024 à 21:20:00.
ACTEUR.
POLEONTE.
PAULINE.
Texte extrait de "L'esprit de cour, ou Les conversations galantes, divisées en cent dialogues, dédiées au Roi.", René Bary, Paris : de C. de Sercy, 1662. pp 53-70.
DE LA BELLE RESISTANCE
CONVERSATION.
Poleonte qui est ami d'une très belle femme, tâche de se prévaloir, de se prévaloir de ses déplaisirs domestiques.
POLEONTE.
Vous êtes pensive ; et l'on dirait à vous voir, que vous êtes mécontente.
PAULINE.
Il ne faut pas être savant en l'art de deviner, pour dire ce que vous dites : Mais où font les personnes qui puissent se vanter d'être satisfaites ?
POLEONTE.
Il ne tient qu'à vous que votre condition ne soit meilleure.
PAULINE.
Ce discours est obscur, je ne l'entends pas.
POLEONTE.
Voulez-vous que je vous l'explique ?
PAULINE.
Il n'est pas nécessaire.
POLEONTE.
Ha ! Méchante, vous riez ! Vous savez ma pensée.
PAULINE.
Je n'ai pourtant pas trop envie de rire.
POLEONTE.
Croyez-moi, suivez mon conseil ; représentez-vous que la jeunesse n'a point de retour ; que l'âge qui la fuit, n'a point de consolateurs ; et que comme il y a de sottes fidélités, il y a de belles perfidies.
PAULINE.
Quelle doctrine ! Hé où avez-vous appris cette morale ?
POLEONTE.
Comme il est juste de tromper le trompeur, il est raisonnable de manquer de foi à celui qui manque de parole : On a juré qu'on vous applaudirait, et l'on vous contredit ; On a juré qu'on vous aimerait, et l'on vous persécute ; on a juré qu'on vous honorerait, et l'on vous diffame ; il me semble que ces indignités sont atroces, que ces injures sont horribles, qu'elles devraient trouver du dédain dans vos yeux de la haine dans votre coeur, et du changement dans vos actions.
PAULINE.
Il faut faire le bien contre le mal.
POLEONTE.
S'il faut faire le bien contre le mal, quel avantage a le bien ?
PAULINE.
Quoi qu'on fasse quelquefois pour les personnes indignes, ce qu'on fait pour les personnes aimables, on le fait toujours diversement : et c'est pour cette raison qu'on dit qu'il y a bien de la différence entre les offices du devoir, et les effets de l'affection ; entre les manières de traiter un mari fâcheux, et les façons de traiter un mari complaisant.
POLEONTE.
Quelques raisons que vous puissiez alléguer, un désobligeant ne mérite pas qu'on l'oblige.
PAULINE.
Il y a de certains exemples qui doivent plutôt faire naître la patience, que l'emportement ; et j'ai toujours ouï dire, que le vice des maris ne devait pas étouffer la vertu des Femmes.
POLEONTE.
Quel moyen d'accorder l'injustice avecque la vertu ?
PAULINE.
On met l'observance entre les bonnes habitudes ; et cette habitude qui est sous la justice, et par conséquent sous la vertu, défère à la loi.
POLEONTE.
La vengeance est née avecque nous ; et ce qui la combat, combat la Nature.
PAULINE.
La Nature est peccable, mais les Lois d'En-haut sont infaillibles. [ 1 Peccable : Qui est capable de pécher. Tout homme est peccable. [L]]
POLEONTE.
Il y a grand plaisir à repousser l'injure.
PAULINE.
Il y a grand plaisir à surmonter son ressentiment.
POLEONTE.
On est soulagée quand on a donné quelque chose à son aigreur.
PAULINE.
On est confuse quand on s'est vengée à ses dépens.
POLEONTE.
Vengez-vous, et vous ne vous en repentirez point ; je prends part à vos intérêts, et vous trouverez en ma personne toutes les qualités que la faveur demande.
PAULINE.
Il y a grande apparence que vous ne seriez pas assez retenu lors que mon honneur dépendrait de votre discrétion, puisque vous êtes trop licencieux lorsque votre bonheur dépend de ma pitié.
POLEONTE.
Il est vrai que je m'emporte, que je m'oublie ; mais la violence de mon mal excuse la liberté de mes paroles ; vous possédez mon coeur, et je ne possède pas ma langue.
PAULINE.
Je vous plains, et je vous condamne.
POLEONTE.
Si de deux maux il faut éviter le pire, vous devez être plus portée à tromper un homme outrageux, qu'à faire mourir un homme passionné.
PAULINE.
On doit préférer une dureté religieuse à un dépit criminel, une cruauté innocente à une complaisance défendue.
PRIVILÈGE DU ROI.
Louis par le Grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : À nos âmés et Féaux conseillers les gens tenant nos cours de Parlement, requêtes de notre Hôtel et du Palais, Baillifs, sénéchaux, leurs lieutenants, et tous autres nos officiers et justiciers qu'il appartiendra, salut. Notre cher et bine aimé le sieur RENÉ BARY, nous a fait exposé qu'il a fait un livre intitulé, L'Esprit de Cour, ou les belles conversations, lequel il désirerait faire imprimer, s'il nous plaisait lui accorder nos lettres sur ce nécessaires. À CEs CAUsEs, Nous lui avons permis et permettons par ces présentes, de faire imprimer, vendre et débiter en tous les lieux de notre Royaume, le susdit livre en tout ou en partie, en tels volumes, marges et caractères que bon lui semble, pendant sept années, à commencer du jours que chaque volume sera achevé d'imprimer pour le première fois, et à condition qu'il en sera mis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un ne celle de notre château du Louvre, vulgairement appelé le Cabinet des Livres, et un en celle de notre très cher et féal le sieur séguier Chancelier de France, avant de les exposer en vente ; et à faute de rapporter ès mains de notre âmé et féal Conseiller en nos conseils, Grand Audiencier de France, en quartier, un récépissé de notre Bibliothèque, et du sieur Cramoisy, commis par nous du chargement de la délivrance actuelle desdits exemplaires, Nous avons dès à présent déclaré ladite permission d'imprimer nulle, et avons enjoint au syndic de faire saisir tous les exemplaires qui auront été imprimés sans avoir satisfait les clauses portées par ces présentes. Défendons très expressément à toutes personnes, de quelque condition et qualité qu'elles soient, d'imprimer, faire imprimer, vendre ni débiter le susdit livre en aucun lieu de notre désobéissance durant ledit temps, sous quelque prétexte que ce soit, sans le consentement de l'exposant, à peine de confiscation de ces exemplaires, de quinze cent livres d'amende, et de touts dépends, dommages et intérêts. Voulons qu'aux copies des présentes collationnées par l'un de nos âmés et féaux conseillers et secrétaires du Roi, foi soit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huissier ou sergent sur ce requis, de faire pour l'exécution des présentes tous exploits nécessaires, sans demander autre permission ; Car tel est notre bon plaisir ; nonobstant oppositions ou appellations quelconques, Clameur de Haro, Charte Normande, et autres lettres à ce contraires. Donné à Paris le quinzième jour de décembre, l'an de grâce mille six cent soixante et un, et de Notre règne le dix-neuvième. signé, par le Roi en son conseil, MOUsTIER, et scellé du grand sceau de cire jaune.
Registré sur le livre de la Communauté le 10 , mars 1662, suivant l'arrêt de la Cour de Parlement du 8 avril 1653. signé DEBRAY, syndic.
Ledit sieur BARY a cédé et transporté son droit de privilège à Charles de Sercy Marchand Libraire à Paris, pour en jouir suivant l'accord fait entre eux.
Achevé d'imprimer pour la première foi le 24 jour de mars 1662. Les exemplaires ont été fournis
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Notes
[1] Peccable : Qui est capable de pécher. Tout homme est peccable. [L]