CONVERSATION
XLI.
XCVIII.
AVEC PRIVILÈGE DU ROI.
PAR RENÉ BARY, Conseiller et Historiographe du Roi.
À PARIS, Chez CHARLES DE SERCY, au Palais, dans le salle Dauphine, à la Bonne-Foi couronnée.
Texte établi par Paul FIÈVRE, octobre 2023
Publié par Paul FIEVRE, novembre 2023
© Théâtre classique - Version du texte du 30/09/2024 à 21:20:03.
ACTEUR.
ANDRAGORE.
OCTAVIE.
Texte extrait de "L'esprit de cour, ou Les conversations galantes, divisées en cent dialogues, dédiées au Roi.", René Bary, Paris : de C. de Sercy, 1662. pp 265-268.
DU BADINAGE
Octavie n'excuse point le badinage.
OCTAVIE.
Quoi qu'il en soit, je ne pardonne ni l'indiscrétion de la langue, ni la liberté de la main.
ANDRAGORE.
Qui condamne l'effet, doit aller au devant de la cause ; modérez votre empire, et nous modérerons notre ardeur.
OCTAVIE.
Il est difficile d'être martyr et d'être muet, je l'avoue ; il est malaisé d'être ému et d'être craintif, je le confesse : mais si l'on doit complaire aux filles qu'on aime, on doit moins suivre ce que leurs charmes conseillent, que ce que leur vertu désapprouve ; ce que leur beauté inspire, que ce que leur aversion condamne.
ANDRAGORE.
Encore qu'en ce rencontre vos sentiments soient les miens, néanmoins je ne puis approuver la rigueur dont vous usez envers ceux qui s'émancipent un peu auprès de vous : il y a des saillies d'humeur et des mouvements d'affection, des ardeurs de tendresse et des caresses d'amitié ; et comme nous sommes tous infirmes, il est à craindre que ceux qui n'ont point de pitié, ne trouvent point de miséricorde ; que ceux qui ont les oreilles fermées aux excuses, ne trouvent des oreilles bouchées aux prières.
OCTAVIE.
Qui pardonne le badinage, est indigne de pardon ; et si j'étais assez faible pour tomber dans les actions que je condamne, je n'aurais pas plutôt consenti au péché, que je me résoudrais à la peine.
ANDRAGORE.
Hé bien, s'il arrive auprès de vous que ma langue se licencie, que ma main se remue, je me résoudrai d'abord à la pénitence : mais toute la grâce que je vous demanderais, c'est que vous ne me punissiez point par les yeux. [ 1 Se licencier : S'accorder trop de liberté, passer les bornes de la discrétion, du devoir. [L]]
OCTAVIE.
Vous n'obtiendriez pas ce que vous demanderiez, je ne vois plus ceux qui se sont rendus indignes de ma vue.
ANDRAGORE.
Tout de bon.
OCTAVIE.
C'est un coup sûr.
ANDRAGORE.
Ha ! Mademoiselle, si les complices du mal sont indignes de votre vue, vos yeux perdront leur plus bel usage ; ils ne regarderont plus vos charmes, puisque vos charmes mettent les gens en feu, et qu'ils deviennent les complices du badinage que vous ne pardonnez point.
OCTAVIE.
La pureté du coeur efface le crime du visage ; l'on ne punit pas ce qui tente, l'on punit ce qui veut tenter.
PRIVILÈGE DU ROI.
Louis par le Grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : À nos âmés et Féaux conseillers les gens tenant nos cours de Parlement, requêtes de notre Hôtel et du Palais, Baillifs, sénéchaux, leurs lieutenants, et tous autres nos officiers et justiciers qu'il appartiendra, salut. Notre cher et bine aimé le sieur RENÉ BARY, nous a fait exposé qu'il a fait un livre intitulé, L'Esprit de Cour, ou les belles conversations, lequel il désirerait faire imprimer, s'il nous plaisait lui accorder nos lettres sur ce nécessaires. À ces causes, Nous lui avons permis et permettons par ces présentes, de faire imprimer, vendre et débiter en tous les lieux de notre Royaume, le susdit livre en tout ou en partie, en tels volumes, marges et caractères que bon lui semble, pendant sept années, à commencer du jours que chaque volume sera achevé d'imprimer pour le première fois, et à condition qu'il en sera mis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un ne celle de notre château du Louvre, vulgairement appelé le Cabinet des Livres, et un en celle de notre très cher et féal le sieur Séguier Chancelier de France, avant de les exposer en vente ; et à faute de rapporter ès mains de notre âmé et féal Conseiller en nos conseils, Grand Audiencier de France, en quartier, un récépissé de notre Bibliothèque, et du sieur Cramoisy, commis par nous du chargement de la délivrance actuelle desdits exemplaires, Nous avons dès à présent déclaré ladite permission d'imprimer nulle, et avons enjoint au syndic de faire saisir tous les exemplaires qui auront été imprimés sans avoir satisfait les clauses portées par ces présentes. Défendons très expressément à toutes personnes, de quelque condition et qualité qu'elles soient, d'imprimer, faire imprimer, vendre ni débiter le susdit livre en aucun lieu de notre désobéissance durant ledit temps, sous quelque prétexte que ce soit, sans le consentement de l'exposant, à peine de confiscation de ces exemplaires, de quinze cent livres d'amende, et de touts dépends, dommages et intérêts. Voulons qu'aux copies des présentes collationnées par l'un de nos âmés et féaux conseillers et secrétaires du Roi, foi soit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huissier ou sergent sur ce requis, de faire pour l'exécution des présentes tous exploits nécessaires, sans demander autre permission ; Car tel est notre bon plaisir ; nonobstant oppositions ou appellations quelconques, Clameur de Haro, Charte Normande, et autres lettres à ce contraires. Donné à Paris le quinzième jour de décembre, l'an de grâce mille six cent soixante et un, et de Notre règne le dix-neuvième. signé, par le Roi en son conseil, MOUsTIER, et scellé du grand sceau de cire jaune.
Registré sur le livre de la Communauté le 10 mars 1662, suivant l'arrêt de la Cour de Parlement du 8 avril 1653. signé DEBRAY, syndic.
Ledit sieur BARY a cédé et transporté son droit de privilège à Charles de Sercy Marchand Libraire à Paris, pour en jouir suivant l'accord fait entre eux.
Achevé d'imprimer pour la première foi le 24 jour de mars 1662. Les exemplaires ont été fournis
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Notes
[1] Se licencier : S'accorder trop de liberté, passer les bornes de la discrétion, du devoir. [L]